01/11/2005

Le plus polonais, le plus français

La salle de l’Arsenal est à la fois austère et accueillante, austère par ses murs de pierre et sa charpente brute, accueillante par ses dimensions et son éclairage.  Elle se remplit, les gens se saluent, s’embrassent, échangent des nouvelles, prennent place sur les chaises métalliques blanches qui font penser à une salle des fêtes au village. L’ambiance est familière, quotidienne. Les musiciens de l’Académie Frédéric Chopin de Varsovie prennent leurs instruments, lancent le Quatuor Lodi de Mozart – et l’intemporel occupe toute la place, toute l’attention.
La pianiste Joanna Lawrynowicz les rejoint pour le quatuor avec piano KV 478, une  conversation pleine d’intelligence et de rebondissements entre piano et cordes.
Après l’hommage à Mozart, ces musiciens polonais se tournent vers le plus polonais des Français, le plus français des Polonais, Frédéric/Fryderyk Chopin.
La transcription pour quatuor à cordes d’une nocturne est curieuse, comme si un mouton prenait part à une course de chevaux – et gagnait. Joanna Lawrynowicz joue ensuite la Fantaisie Impromptu et trois valses, et le concert prend fin avec l’Andante spianato et Grande polonaise pour piano et quintet.
Les pièces de Chopin pour piano sont connues comme les vieux tubes yéyé et, aussi infailliblement qu’eux, se savourent chaque fois qu’elles s’entendent.
Le jeu étincelant, abstrait de la pianiste invite l’auditeur à s’interroger sur le but que poursuit Chopin. Il semble inlassablement chercher avec les deux mains sur un clavier de piano, de haut en bas, en déployant tous les rythmes, vitesses et volumes, et jouant à cache‑cache avec les temps, à transmettre un secret, peut‑être celui de ses racines arrachées et replantées. C’est parce qu’il n’y arrive pas que sa musique s’écoute, se ré‑écoute, intrigue, continue à intriguer.
La salle se vide. Dehors, la nuit fait de Saint Jean des Vignes un précipice rugueux, autre exemple de l’intemporel à la portée des hommes.
L’Union

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