16/03/2006

Sempé dansé : le cœur agrandi au Centre culturel


«Vies minuscules, rêves majeurs» : en quatre mots, la chorégraphe Maryse Delente dit le sens des personnages de Jean-Jacques Sempé. Sa perception justifie qu’elle ait entrepris de traduire en danse cette vision du monde. La collaboration avec Sempé est le fruit de sa longue admiration pour lui, et de l’estime qu’il a formée pour elle, ayant vu son travail.
    Après deux performances à Draguignan, « Merci pour tout » a été créé à Soissons, un événement dans le monde du théâtre.
    Tendresse, burlesque, tristesse, le ballet explore et illustre tous ces aspects des dessins de Sempé. Au début, les spectateurs du Tour de France s’agitent au bord de la scène, brandissant les banderoles d’encouragement à leur coureur favori, leur excitation devenant du délire à l’approche du peloton. Puis les mouvements passent au ralenti, comme pour rappeler qu’il s’agit, non pas d’acteurs qui jouent, mais de danseurs qui bougent.
    Des fragments de vie se succèdent. Un jeune homme s’enivre de s’imaginer chef d’un orchestre inexistant, puis plie sagement son frac et enroule son tapis rouge. Sur une musique de Rachmaninov qui roule les mécaniques du romantisme, une femme danse longuement son extase solitaire. Derrière son bonheur, d’autres danseurs traversent la scène, se concentrant à faire de grands pas réguliers, avec les bras qui se balancent. C’est le monde de Sempé en mouvement.
    Les personnages de Sempé font face à un monde énorme, parfois bienveillant, parfois menaçant. Ils n’échappent jamais à leur solitude existentielle, sans que cela les empêche de toucher et d’être touchés par les autres. Au lieu d’être écrasés par la vie, ils s’en sortent le cœur agrandi.
    Par définition, une création n’a pas encore fait assez de bruit pour attirer un public abonné aux succès confirmés, et il y a eu des places vides dans la salle. Mais pour la même raison, une vingtaine de directeurs de théâtre, venus de toute la France, étaient là pour juger de l’opportunité d’inclure «Merci pour tout» dans leur programmation de l’année prochaine. La tension que leur présence a dû générer pour la troupe n’a pu qu’être augmentée lorsqu’une des danseuses est tombée malade l’après-midi. La compagnie a dû improviser pour parer à cette absence, sans que cela soit trop visible au public. Voilà la création artistique et ses à-coups.
L’Union

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