23/07/2006

Le tour de France de Cilla et Björn

Les Suédois sont-ils raides et empruntés, par rapport aux gais lurons danois et aux Norvégiens plongés dans la neurasthénie de leurs sagas ? « Une fausse idée » dit Cilla Johansson, avec un sourire, les yeux rieurs.
    Elle est venue avec son compagnon Björn Roos à Soissons, avant-dernière étape d’un mois de randonnée à vélo. Arrivés par avion à Francfort, ils ont monté le Rhin jusqu’à Coblence, avant de passer en France, pour se rendre à Metz, Nancy, Troyes, puis Château Thierry et Soissons. Ils termineront leur périple à Beauvais, où ils reprendront l’avion pour rentrer en Suède.
    Cilla et Björn, ensemble depuis presque trente ans, mais sans mariage ni enfants, habitent la ville de Nynäshamn, sur la côte dentelée au sud de Stockholm. « Une petite maison, un petit jardin, des légumes » selon Cilla, sur on ton qui laisse entendre qu’ils sont parfois surpris de se trouver dans ce cadre conventionnel. « Nous sommes restés enfants, je crois » dit-elle « parce que nous n’avons pas enfants. »
    Après avoir été étudiante à l’université de Stockholm, elle y travaille au secrétariat. Björn enseigne l’informatique aux chômeurs (« Oui, il y en a en Suède »). Mais longtemps il avait été ouvrier du bâtiment. « C’était bien payé, jusqu’à la crise économique. » Il a été batteur dans un groupe rock, et pendant des années ils prenaient leurs vélos pour visiter l’Angleterre, avec ses richesses de musique pop. « Mais la circulation est devenue impossible, et nous n’y allons plus. »
    Cilla parle anglais avec plus de maîtrise et de finesse que bien des anglophones de naissance. C’est courant chez les Suédois, mais cela surprend chaque fois. Björn prend plus de temps à former ses phrases, et appelle parfois Cilla au secours, d’un regard. Leur français se limite au strictement utilitaire.
    Ils ont commencé à faire des voyages à vélo il y a quinze ans. « Non, nous ne sommes pas bien entraînes. Nous ne faisons pas de vélo en dehors de nos voyages. » Encore des sourires. C’est en hiver qu’ils commencent à organiser leur trajet. Il faut tout prévoir : avec un vélo chargé, il ne s’agit pas d’improviser. Il y a quatre sacs sur chaque vélo, et la tente enroulée. La nourriture est un détail. « Pain et fromage, des pâtes, de la bière à boire. »
    Ce qu’ils remarquent à Soissons ? Il y a la cathédrale, loin du style scandinave, et le jardin formel de l’hôtel de ville. Ils trouvent le camping municipal admirable, les gens agréables. Sa privatisation éventuelle ? « Il aura peut-être l’air d’être mieux, mais des campeurs comme nous vont se trouver relégués dans un coin éloigné où il n’y a plus d’herbe. »
    En partant de Soissons, tôt le matin à cause de la chaleur, ils arriveront bien le soir à… Compiègne. Le tour de France de Cilla et de Björn n’inclut pas d’épreuve du col du Galibier ni d’étapes contre la montre. Avec leur air d’être bien dans leur peau, et bien ensemble, ils se limitent aux distances qu’ils peuvent parcourir sans s’accabler. Ils n’ont rien à prouver, ni aux autres ni à eux-mêmes.
L'Union

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