22/08/2006

Belges de Heule : l’amitié dans les bagages

Cela pourrait être banal : une bande de touristes flamands venus passer une petite semaine au gîte de La Berque, à Nampteuil-sous-Muret. Activités : randonnées en vélo et soirées conviviales.
    Mais ce qui distingue ce groupe est la profonde amitié qui lie ses membres depuis une trentaine d’années. Ils s’étaient rencontrés dans un foyer de jeunes à Heule, un village près de Courtrai en Belgique flamande, et ont sympathisé au point d’être encore ensemble aujourd’hui. « Certains d’entre nous se sont épousés » explique Bart, l’un des hommes, « et d’autres époux ont été intégrés. » Ils sont une vingtaine d’adultes au gîte, plus quelques jeunes qui daignent encore accompagner leurs parents.
    Ils font plus qu’accueillir l’inconnu venu les voir, ils l’acceptent, aussi bien le cercle des femmes qui préparent une colossale salade de fruits le matin, que les hommes occupés à cuire de gros saucissons le soir, servis en tranches avec de la moutarde, en amuse-gueule. « Vous boirez bien une bière blanche ? » : l’invité est inclus, naturellement.
    Ils apprécient mes quelques phrases en néerlandais, puis préfèrent l’anglais au français, mais évitent d’aborder la querelle linguistique en Belgique. Entre eux ils parlent flamand, c'est-à-dire néerlandais avec un accent qui n’est pas plus marqué que l’accent provençal par rapport au français de Paris.
    C’est leur troisième visite dans le Soissonnais, qu’ils aiment pour la beauté des paysages et ses possibilités d’excursions. La plupart des hommes ont un vélo de course, les femmes un vélo de ville. Leurs virées sont conséquentes : la Caverne du Dragon, ou Laon. L’organisateur, Rik Boone, fervent de la Grande Guerre, avait choisi notre région pour son histoire. « Il rattache chaque village où nous passons à l’histoire de la guerre. » Les conducteurs d’ici sont « parfois gentils, parfois en colère » en rencontrant le peloton belge.
    Le soir ils dansent. Et boivent leurs bières belges et du vin français. A Heule, quelques-uns ont créé « De Griffioen » (le griffon), une confrérie de la bière, avec costumes élaborés et rites. Chaque année on élit « Tineke van Heule », choisie pour ses prouesses physiques et intellectuelles plutôt que pour ses mensurations. Ils caressent l’idée de brasser leur propre bière, la « Heule ».
    Il n’y a pas d’uniformité dans le groupe, ni professionnelle ni sociale. Nele, professeur, sera candidate aux élections cantonales, Bart travaille dans les finances d’une multinationale belge, un autre plus jeune est barman à Gand. Ils ne font même pas tous du vélo : Christine et Els gèrent la nourriture et en assurent la logistique pour les balades. Seul point spécifiquement belge, selon eux : tous sont restés au même endroit.
    Qu’est-ce les lie, alors, depuis si longtemps ? Le vélo ? « Nous ne le faisons que depuis dix ans. » Ce n’est pas typiquement belge : « Non, nos enfants nous envient d’avoir tant d’amis. » En fait, ils n’ont pas de réponse à la question. Leur lien d’amitié ne s’explique pas, il se vit, solidaire, enjoué.
L'Union

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