27/09/2006

Denis Lefèvre : écrivain et paysan dans l’âme


A six ans, Denis Lefèvre était fasciné par Joseph Kessel et Albert Londres à la radio, et disait « Un jour je serai grand reporter comme eux. » Il ne l’est pas devenu, mais la force de cette vision l’a guidé dans ses choix pour devenir écrivain.
Né en 1955, il grandit sur une ferme à Breny, près d’Oulchy-le-Château. De son milieu catholique il dit avoir gardé une confiance « un peu boy scout » en la gentillesse des gens, qui l’a mal préparé pour le rude monde de l’édition.
Après son bac, il entre dans une école supérieure d’agriculture à Paris, et commence une carrière d’agronome, jusqu’à s’occuper de l’élevage à la Chambre d’agriculture de l’Aisne. Devenu écrivain nécessairement seul, il garde un bon souvenir des relations de travail.
L’idée du journalisme le reprend. Après une école de communication à Angers, il envoie son CV partout. Il remplace une journaliste de « La Croix » partie en congé de maternité, puis devient rédacteur en chef d’une revue des industries agroalimentaires, et de « Agriculture magazine ».
Il veut écrire un livre, et devient pigiste pour en avoir le temps. « Le retour des paysans », qui reçoit un accueil dithyrambique, démontre que l’agriculture, même si elle est marginale, pose toutes les grandes questions de société. Suivent une dizaine de livres, dont une histoire des communautés d’Emmaüs. Son dernier projet, « Des racines et des gènes », est une somme de ses recherches, allant du néolithique, époque du début des civilisations, des guerres et des inégalités, à la mondialisation et le réchauffement planétaire. « Je suis paysan dans l’âme » : il explique ainsi ses préoccupations.
Depuis un stage à Bruxelles, son autre passion est l’Europe : « un empire qui se crée sans faire la guerre ». En 1981 il établit un jumelage entre le canton d’Oulchy et un canton allemand, avec une idée simple : faire se rencontrer les citoyens de deux pays.
Sa conversation reflète sa démarche de journaliste, qui enquête plutôt que de redire des informations déjà formatées. Il se considère journaliste, pas écrivain. « Je m’occupe des faits, non pas d’imagination. » En doutant constamment de la valeur de ce qu’il produit, il évite l’écriture routinière, protège sa voix d’auteur.
Denis Lefèvre habite une maison tout en bois, derrière la ferme familiale à Breny. Il vit seul. Ce n’est pas un choix, dit-il. L’écriture est un travail solitaire, qui tend à isoler un auteur. Les éditeurs ne choient que les écrivains vedettes, et comment entretenir une famille avec de maigres droits d’auteur ?
« Je vois mal l’avenir » admet-il, déçu par la dérive des idéaux fondateurs de l’Europe, et troublé par une mondialisation « qui a tout cassé ». Au moins, il admet « qu’un livre est comme un grand reportage ». Modifié par la réalité, voilà le rêve qui se réalise.
L’Union

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