02/09/2009

La roue de l'infortune


La première chose à remarquer est le seau dans lequel flottent des bouteilles.
Un jeune homme y rajoute d'autres bières, alors qu'un deuxième est étendu devant la tente. Ils sont rejoints par deux autres, revenus de l'épicerie du camping avec des canettes. Un tel degré d'indolence et de désœuvrement intrigue. Je noue la conversation.
    Peut-être pour passer le temps, ils acceptent de relater leur dilemme. Tous sont Anglais, les deux frères Jack et Chris Adam, et Dale Watson et Alex Doyle, anciens camarades de classe.
    Ils n'ont pas choisi d'être à Soissons. Après des vacances sportives dans les gorges du Verdon, avec les parents et la petite sœur d'Adam, ils remontaient dans deux voitures vers Calais, lorsqu'ils se sont égarés vers Soissons, puis dans Soissons. Une rencontre avec l'ancien chemin de fer de la rue du Président-Coty a eu raison d'une roue avec un pneu à bas profil - « Ça fait plus sport », admet Jack, propriétaire de la voiture. Dépanneuse, garage, conférence de famille dans l'urgence, et l'autre voiture, avec les parents et la sœur, part pour son rendez-vous avec le car-ferry.
    Les quatre jeunes hommes s'installent au camping municipal, et y attendent, depuis quatre jours déjà, la livraison de la nouvelle roue.
Seul à parler français
    Ils racontent cela sans en rajouter pour faire un drame cataclysmique ni une histoire hilarante, mais avec la nonchalance que reconnaîtront ceux qui côtoient les Anglais.
    Ils s'impatientent de repartir, mais font ce qu'ils peuvent en attendant.
« J'en ai marre de dormir sous la tente, se lamente Alex, c'est plein de fourmis ». Mais ils trouvent le camping avec ses emplacements ombragés, et son organisation, meilleur que tous les autres du voyage. Ils n'ont guère rencontré que les gens du garage, mais les trouvent serviables.
« Ils nous amènent ici, et en ville, chaque fois. » Deux d'entre eux, je ne dirai pas lesquels, ont pris une cuite du samedi soir dans les bars de la ville. A part ça, ils attendent.
    Seul Dale, qui vient de passer une année à Paris pour ses études, parle français. Il se veut rassurant pour les autres : « Je traduirai l'article qui sera écrit sur nous. »
    Sauf Alex, qui sera ingénieur, tous envisagent une carrière militaire. Jack est au milieu du processus de sélection, et voudrait être pilote d'hélicoptère. L'Afghanistan ? « Oui, ça va avec. » Etre militaire britannique veut dire, actuellement, s'y battre.
    Voilà qu'une note sombre s'introduit dans ces paisibles échanges à l'ombre des arbres, sous le soleil de Soissons.     
L'Union


Alex, Jack, Dale et Chris, nonchalants à l'ombre des arbres du camping.

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