26/05/2010

Jouer les clandestins à Soissons

« Ticket » entend communiquer la sensation d’être immigré clandestin. Etranger moi-même, je raconte l’expérience.
Le seul sursaut d’inquiétude, c’est quand Kingphone le passeur enfourne mon passeport dans sa poche. Etranger, je dois être muni toujours de mes papiers. Il dégouline de fausse fraternité : « Les autres garantissent le départ ; moi je garantis l’arrivée. » Son costume luit comme un poisson et ses bijoux sont tous jaunes vieil-or.
Les autres clandestins sont surtout des lycéens de Nerval faisant un travail sur l’immigration – et se protégeant par une hilarité collective.
Kingphone nous fait courir, nous accroupir. Il bascule de la jovialité à l’agressivité. Nous traversons une petite maison, descendons vers un garage dans les recoins de l’ancienne caserne des pompiers. La porte se lève, nous cavalons jusqu’à un camion-conteneur. Les portes fermées, nous sommes dans le noir, rejoints par deux autres clandestins, exaltés, violents. Les sons dehors font croire que nous sommes arrivés à bon port, mais des policiers font irruption, nous mettent les mains contre les murs puis, sans explication, nous relâchent.


Kingphone (Frank Baruk) me rend
enfin mon passeport.


Cette mise en scène abolit la distance classique entre comédiens et public, sans que j’oublie un instant qu’il s’agit d’un jeu. La peur, l’humiliation ? Il faut plus que cela. Mais elle fait ressurgir le souvenir de moments où j’ai été en danger, ou déconsidéré, ou bousculé. J’ai déjà couru pour gagner une passerelle qui se levait, et m’imagine maintenant mieux qu’une telle course puisse faire la différence entre une vie de misère et une vie de rêve. C’est le mérite de « Ticket » d’éveiller cette imagination.
L’Union











Kingphone (Frank Baruk) me rend
enfin mon passeport.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les commentaires seront vus avant d'être affichés.