19/11/2010

Les yeux et le cerveau


Face à l’art abstrait, l’œil a une furtive tendance à chercher à quoi cela ressemble. Un visage-ci, un arbre-là ? Or c’est précisément la réaction que cherche à susciter Ghislaine Vappereau : « Par quoi reconnaît-on une table ? Quand je la démonte, à quel moment ne l’est-elle plus ? ».
Le musée de Soissons lui consacre une exposition au terme de sa résidence au lycée Léonard de Vinci. Elle a pu y explorer des techniques industrielles, faisant traduire ses maquettes en aluminium fondu ou tôle découpée et pliée, par des élèves qui apprenaient à apprécier des objets éveillant leur sens esthétique. Quatre de ces œuvres sont exposées avec d’autres plus anciennes.
Pour Ghislaine Vappereau, la sculpture crée une profondeur, révélée par l’ombre qu’elle jette, et qui « joue le rôle de la conscience de l’objet. » Sa vision est illustrée par un délicieux petit spectacle animé. Deux bouts de tissu plutôt raides accompagnent, comme ils peuvent, comme ils veulent, deux autres plus soyeux. Il illustre la thèse selon laquelle la conscience fait suite au regard, reconnaît et nomme l’objet, mais le rigidifie inévitablement. Le cerveau veut réduire l’objet à ce que nous savons déjà.
L’artiste jette le trouble dans ce processus bien rôdé. Ses formes en tissu, métal, bois, céramique sont souvent « animalesques ». Ou « chaise-esques » ? Cou et jambes, ou dossier et pieds ? La jouissance du spectateur se trouve dans cette fluidité, que le cerveau cherche aussitôt à circonscrire et à définir.
A quoi cela ressemble ? L’art de Ghislaine Vappereau, en prolongeant les négociations entre regard et compréhension, est de faire durer l’incertitude.
L’Union

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