20/07/2013

Piéger les rêves : Claude Viallat à l’Arsenal

Le peintre Claude Viallat expose à Soissons pour la première fois. Pourtant il crée vite un sentiment de familiarité. Il suffit de regarder un mur, le motif qui se répète sur les bâches militaires, détourner le regard et retrouver ce même motif partout.
    Claude Viallat peint constamment depuis des années ce rectangle qu’une main aurait comprimé, arrondissant trois coins et faisant une pointe au quatrième. Devant ses œuvres l’artiste, originaire de Nîmes, évoque les maçons de son pays qui, sur un mur chaulé, font des taches avec une éponge trempée de peinture. Pour lui, la répétition est un système universel. « Le matin je me regarde dans la glace, et je suis à peu près le même. » Pourquoi son art serait différent ? « L’inspiration n’est pas mon problème : c’est le travail. »
    Viallat était un fondateur de « Supports/surface », groupe dont le manifeste de 1969 commence par « L'objet de la peinture, c'est la peinture elle-même. » L’art abstrait peut faire vagabonder l’imagination, qui y voit ses propres images. Viallat élimine ces égarements, force l’œil à regarder la matérialité de la peinture, son interaction avec le support, sans cadre ni préparation. Des cerceaux, mi-objets, mi tableaux ornent un mur. Claude Viallat parle de « pièges à rêve ». Leur fonction ne serait-elle pas de bloquer les rêveries ? Il faut regarder la peinture, c’est tout.
    Même pour d’autres images de tauromachie, dont il défend la culture, autoportraits et objets, le regard s’entraîne à scruter le support, la matière autant que le sujet.
    Visiter cette exposition majeure, c’est comme regarder constamment le même visage, en détectant les microscopiques modifications quotidiennes que la vie y imprime.
L'Union

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