25/01/2006

Les orphelins du Québec au centre culturel

 Sur la photo David Macquart, Magaly Godenaire, Stéphanie Colonna et Emmanuelle Bougerol après la représentation.


« Les muses orphelines » du québécois Michel-Marc Bouchard est l’histoire de quatre enfants réunis vingt ans après avoir été abandonnés par leur mère. Pour une critique canadienne, la pièce est à l’image du Québec même, déserté par sa mère patrie, la France, et qui longtemps n’a pu en détacher ses rêves, ses idéaux, ses fantasmes, ses douleurs.
    Les quatre comédiens français jouent le texte en québécois (« Donne-moi les clefs du char ! »), mais sans l’accent. « Cela aurait été une pastiche » explique après la représentation Emmanuelle Bougerol (Molière de la révélation théâtrale 2005 pour son interprétation d’Isabelle). C’est un choix légitime, mais qui peut faire penser à des acteurs
« parlant pointu » dans un remake de la trilogie de Pagnol.
    Les personnages réagissent à leur peine avec la même intensité que les grands blessés de la vie de cet autre dramaturge canadien, Michel Tremblay, ou de Tennessee Williams. La couche de bienséance qui amortit nos agissements au Vieux Monde n’y est pas pour modérer leur démesure nord-américaine.
    Catherine, l’aînée maternante, est institutrice, rigide, brûlante de ressentiment (elle a même des béquilles, mais seulement parce que la comédienne, Magaly Godenaire, s’était cassé la cheville !). Martine, qui sert dans l’armée canadienne en Allemagne, est la plus équilibrée, mais c’est l’équilibre d’un soldat au garde-à-vous. Luc, l’écrivain, tellement hanté par les souvenirs de sa mère qu’il se promène dans une robe à fanfreluches qui lui a appartenu, est - ce n’est guère une surprise - tabassé par les mâles indignés du village.
    La plus jeune, Isabelle, est trisomique, encore enfantine à vingt-six ans. C’est pourtant elle qui, se débattant pour comprendre, invente une histoire pour provoquer la réunion dans la ferme fruste qu’elle habite avec sa grande sœur, et annonce que la mère va rentrer. Lorsqu’elle révèle que ce retour n’est qu’un mensonge de plus, l’abandon se revit au présent.
    Alors que Catherine remplace dans son giron la petite sœur perdue par le petit frère, qui s’y réfugie volontiers, et que Martine remet son uniforme et repart, Isabelle la menteuse qui à fait éclater la vérité familiale ouvre la porte et s’en va vers deux nouvelles vies : la sienne propre, et celle de l’enfant qu’elle attend, du « gars rencontré à la barrière ».

L’Union

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