Le défi pour chaque
production d’un grand ballet classique est de maintenir l’enchantement sans
tomber dans l’absurdité. Le « Casse-noisette » du Ballet national de
Kiev en Ukraine l’a relevé à sa façon, pour danser cette histoire d’une
fillette, comblée de cadeaux de Noël et qui rentre dans un monde magique. Ses
jouets s’animent. Ultime rêve, la poupée casse-noisette s’éveille prince, n’existant
que par amour pour elle.
Les enfants
perçoivent par nature l’enchantement d’un tel conte qui, disent les
psychanalystes, les aide même à mieux vivre les passages de la vie. Pour les
grandes personnes, il s’agit plutôt d’un retour à l’enfance le temps du spectacle, la suspension
de leur incrédulité adulte facilitée par l’éclat de la danse, de la musique, des
couleurs, des costumes.
Car la danse
classique impose une esthétique loin de notre quotidien. Notamment, les hommes
gomment toute brusquerie mâle, pour incarner des créatures romantiques dont
rêveraient de jeunes filles en fleur.
Cela frise l’absurde,
que seule une rigueur extrême de style évite. Chez les danseurs de Kiev, la
façade romantique cède sur des détails, un regard loin, un mouvement à côté, des
costumes moins que somptueux (mais c’est un rappel salutaire que pas toutes les
troupes ne reçoivent de grasses subventions culturelles). Certes, un orchestre
ferait crever le budget de leur tournée en France, mais l’enregistrement
strident est loin de porter le ballet comme le feraient des musiciens dans la
fosse.
Cependant le plus
important, cette élégance qui cache tout effort, où seuls les flancs qui palpitent
pendant les saluts trahissent l’essoufflement, était parfaite.
Ce sont des commentaires d’adulte. Les yeux des
petites filles dans la salle montraient, non pas un regard critique, mais l’espoir
d’être un jour, elles, sur scène, à danser toute cette beauté, puis à saluer
leur public. D’ailleurs, des éléments comme les élévations spectaculaires sur la
partition fastueuse de Tchaïkowski devaient faire
courir le sang dans les veines même des plus rétifs des spectateurs. L'Union
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