22/03/2007

Le prix Terra pour Denis Lefèvre : de l’éléphant au ver à soie

Dans « Ulysse » James Joyce prend presque mille pages pour raconter une seule journée dans la vie d’un Dublinois. En moins de trois cents, Denis Lefèvre réussit à retracer dix millénaires de l’histoire des animaux domestiqués par l’homme.
« Le loup, l’homme et Dolly », qui vient de gagner le nouveau prix Terra, créé pour encourager des contributions au grand débat sur le monde agricole, évoquer l’élevage, de ses débuts à nos jours. L’agriculture, une activité nécessaire mais sans pertinence dans un monde technologique ? Denis Lefèvre continue, de livre en livre, à démontrer le contraire, qu’elle « se situe sur les frontières d’un monde en mouvance » : le clonage, la marchandisation, les maladies qui sautent la barrière entre les espèces, sont des préoccupations majeures aujourd’hui.
L’élevage date de l’âge néolithique, lorsque les peuples du « Croissant fertile » passent de la chasse et de la cueillette à la production de récoltes et de bétail. L’apprivoisement des animaux commence, pour arriver à vingt-cinq espèces : équidés, bovins, ovins, caprins et volaille, mais aussi l’éléphant et le ver à soie.
L’impact du livre vient de sa capacité à analyser et illustrer des sujets familiers à tous mais flous. La concurrence entre l’éleveur et l’agriculteur ? La Bible met le doux pasteur Abel en face du rustre cultivateur Caïn. La montée du christianisme au Moyen age ? L’évêque de Laon excommunie les chenilles qui ravagent les récoltes. La transhumance alpine et provençale ne serait pas qu’un folklorique événement saisonnier mais, pour Fernand Braudel, le pendant occidental du grand nomadisme oriental. Les chevaux de trait ne se développent qu’au 20e siècle.
Mais l’auteur va plus loin que l’anecdotique : il examine tous les aspects historiques et contemporains de l’élevage, des positifs comme la vaccination aux plus scandaleux, comme la dépendance européenne des aliments importés, ou la maladie de la vache folle.
Qu’est‑ce qui a motivé le jury en lui attribuant ce prix ? Interrogé au Salon de l’agriculture, Luc Guyau, président des Chambres d’agriculture, apprécie « la façon dont l’homme est placé au centre de l’histoire des animaux ». Pour Jean‑Christophe Rufin, prix Goncourt 2001, « il montre la continuité dans l’histoire des animaux et des hommes, et fait la soudure entre le passé et le futur ». Anne Hudson, journaliste à France Info, est catégorique : « C’est agréable. C’est bien écrit. C’est facile à lire. »
Denis Lefèvre vient du milieu agricole mais, vivant à côté de la ferme familiale à Oulchy-le-Château exploitée par son frère et sa sœur, il a choisi, au lieu de creuser la terre, de creuser le sujet par l’écriture. Il travaille maintenant sur les végétaux, leur passé, leur présent et leur avenir pour les hommes.
L'Union










Luc Guyau, président des chambres d'agriculture, et Anne Hudson, journaliste à France-Info, entourent le lauréat Denis Lefèvre.

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