13/06/2007

Venise prend ses distances


Ce qui empêche Venise de n’être qu’un concentré du pittoresque, c’est son étrangeté. Celle-ci met toujours une distance entre l’admiration et l’émotion que suscite la ville. Dans « Splendeurs de Venise » à la bibliothèque, la photographe Marie-Thérèse Lefèvre a choisi de placer les monuments, les canaux et les palais dans la profondeur d’un paysage. Le fond ajoute son silence à la splendeur de l’avant plan.
Anne-Marie Natanson a cherché, sur les étagères et dans ses souvenirs de grande lectrice, des textes, souvent sombres, inspirés aux auteurs par Venise. Ce ne sont jamais seulement des légendes des photos. Ils y renvoient le visiteur, le regard concentré, ou changé, ou dévié. Les images de Proust dépassent même les photos qu’elles sous-titrent. Un extrait de Sartre met toute l’exposition en question : « La vraie Venise, où que vous soyez, vous la trouverez ailleurs. (..) Venise là où je ne suis pas. » Son texte accompagne la photo d’une rangée de filets qui sèchent ou attendent la marée, du chiffre « 8 » sur un poteau, de deux bateaux amarrés et, au loin, une bande de terre presque rurale, qui pourrait se trouver aux Pays Bas, autre lieu où la terre vit en bonne intelligence avec l’eau. Nous sommes loin de la carte postale vénitienne.
« Fragile statue de l’instant sur son socle d’éternité » : ce vers d’un poème de Daniel Lefèvre, écrit pour accompagner une image de gondoles et d’écume, pourrait définir tout l’art de la photographie, et notamment celle de sa femme Marie-Thérèse.
L’Union




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