02/03/2008

Oscar et la dame rose : déjouer les pièges

Un enfant qui meurt du cancer adresse une série de lettres à Dieu. Une actrice, seule sur scène, lit ces lettres, en campant les différents personnages évoqués. C’est « Oscar et la dame rose », écrit par Eric-Emmanuel Schmitt et joué au Mail par Anny Duperey. Le risque était évident : courir vers l’exploitation d’une situation déjà pathétique.
En fait, la pièce de Schmitt et l’interprétation de Duperey évitent méticuleusement ce danger. La sentimentalité implique une priorité absolue donnée aux émotions, aux dépens de la raison. Le cœur écrase le cerveau. Or, il faut les deux pour passer au-delà des larmes faciles jusqu’à la réflexion. Il y a eu du trouble dans la salle, mais venu de la perception des réalités de la mort d’enfant, et de l’amour et la colère qui l’accompagnent.
Comment font-ils, alors, l’auteur et la comédienne ? Schmitt présente la situation sans fard, mais avec une gravité ponctuée par un humour décapant. Un autre patient, le petit Yves, devient « Bacon » pour ses amis « parce que c’est un grand brûlé ».
Danielle Darrieux, qui avait créé la pièce à Paris, comptait sur sa gouaille de grande dame pour déjouer les pièges. Anny Duperey montre davantage de douceur, mais n’est jamais mielleuse. Son ton reste ferme. Comme Schmitt en écrivant ce qu’elle dit, elle ne force pas l’émotion.
Enfin, l’intelligence est constamment sollicitée, antidote au larmoiement. La dame rose, visiteuse, propose à Oscar de vivre chaque jour comme si c’était dix ans. La pièce met en parallèle la maladie qui empire et ce jeu. Oscar mène une vie trépidante, à travers l’adolescence et ses émois, l’âge adulte, ses déceptions et son épanouissement, la vieillesse et la grande vieillesse. A dix ans, c'est-à-dire cent dix ans, Oscar meurt dans le bonheur d’une vision de la splendeur du monde, et en se sachant partie de cette splendeur. C’est le cadeau qu’il donne au monde, et au public, en le quittant.
L’Union

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