Une femme arrive sur scène, faisant
péniblement avancer une énorme pomme, comme Sisyphe son rocher. C’est le corps
du délit, le fruit par lequel Adam, tenté par Eve, a assumé sa nature humaine
et ses désirs d’homme, dont la soumission, la séduction et la distraction de la
part des femmes.
La cantatrice hurle son air. |
Dans « La tentation d’Eve » Marie-Claude
Pietragalla assume toute seule les rôles que plaquent sur son corps les hommes,
dont la femme d’affaires aux talons vertigineux, la danseuse, la cantatrice, la
ménagère rendue complètement folle par son balai à wassingue et ses produits de
nettoyage. A chaque fois l’énergie du personnage s’effrite, ses gestes assurés
se cassent. Elle est dans une prison à de multiples cellules. L’armature d’une
crinoline, symbole d’élégance féminine, devient littéralement une cage.
Dans la danse classique, la ligne pure du corps impose sa grâce
aux mouvements. Pietragalla, qui a été danseuse classique, rompt
continuellement cette ligne, ses membres bougeant comme indépendamment les uns
des autres. Elle ne recule devant aucune forme d’expression, touchante,
comique, plaintive, grotesque.
Dans un « pas de deux » sûrement inédit dans
l’histoire de la danse, une star sur le retour, en longue robe noire aux
épaules emplumées danse, sur une chanson de Barbara, avec une cigarette, ou
plus exactement avec les traînées et volutes de la fumée qu’elle en tire.
Pour finir, cette Eve se met à rire aux éclats. Elle enlève
son dernier costume d’apparat et, dans sa tunique courte couleur chair, reprend
sa pomme, le fardeau qu’elle porte depuis que, par son fait, les créatures
éthérées du jardin d’Eden ont pris conscience de leur chair et toutes ses
failles.
L’Union
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