31/03/2012

Un corps de femme


Une femme arrive sur scène, faisant péniblement avancer une énorme pomme, comme Sisyphe son rocher. C’est le corps du délit, le fruit par lequel Adam, tenté par Eve, a assumé sa nature humaine et ses désirs d’homme, dont la soumission, la séduction et la distraction de la part des femmes.
La cantatrice hurle son air.
    Dans « La tentation d’Eve » Marie-Claude Pietragalla assume toute seule les rôles que plaquent sur son corps les hommes, dont la femme d’affaires aux talons vertigineux, la danseuse, la cantatrice, la ménagère rendue complètement folle par son balai à wassingue et ses produits de nettoyage. A chaque fois l’énergie du personnage s’effrite, ses gestes assurés se cassent.   Elle est dans une prison à de multiples cellules. L’armature d’une crinoline, symbole d’élégance féminine, devient littéralement une cage.
    Dans la danse classique, la ligne pure du corps impose sa grâce aux mouvements. Pietragalla, qui a été danseuse classique, rompt continuellement cette ligne, ses membres bougeant comme indépendamment les uns des autres. Elle ne recule devant aucune forme d’expression, touchante, comique, plaintive, grotesque.
    Dans un « pas de deux » sûrement inédit dans l’histoire de la danse, une star sur le retour, en longue robe noire aux épaules emplumées danse, sur une chanson de Barbara, avec une cigarette, ou plus exactement avec les traînées et volutes de la fumée qu’elle en tire.
    Pour finir, cette Eve se met à rire aux éclats. Elle enlève son dernier costume d’apparat et, dans sa tunique courte couleur chair, reprend sa pomme, le fardeau qu’elle porte depuis que, par son fait, les créatures éthérées du jardin d’Eden ont pris conscience de leur chair et toutes ses failles.
L’Union

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