Il y a des reportages sans danger autre que de mal
orthographier les noms propres. D’autres sont plus périlleux. S’infiltrer parmi
trois cents supporters du XV de France, en souhaitant la victoire de l’équipe en
face, par exemple ?
Quel
est l’intérêt du grand écran ? A dix mètres de distance, la chevelure de
Chabal n’est pas plus longue que sur un poste en face d’un canapé, chips et
bière à côté. Mais la foule vous entoure, avec ses cris, ses drapeaux, ses
gestes, ses décalcomanies tricolores, l’émotion qui la secoue. L’intime et le
collectif fusent.
Francis
Duhamel, responsable de la soirée organisée par la Société Générale, offre un
tablier vert en souvenir. « Vaut mieux ne pas le mettre » dit-il
prudent. Il ignore la trempe des correspondants de l’Union (voir photo) ! Imaginez
un supporter de l’OM dans une foule pro-PSG au Parc des Princes. Au lieu de
faire un reportage, il risquerait de faire les gros titres des faits divers. Le
rugby est différent. Dans un autre sport, les bagarres sur le terrain
finiraient sur Youtube, mais ici elles font partie d’un jeu aux règles
complexes. Les contacts musclés sont mâles et forts mais respectueux, et le public
reflète cette éthique. Gagner, ça compte, mais il apprécie le jeu des deux
équipes.
Ils
ont même applaudi le chant irlandais avant la rencontre. Impossible de ne pas
avoir la gorge serrée lorsque les Irlandais du terrain et des tribunes chantent
les « quatre fières provinces d’Irlande », clamant ainsi l’unité
sportive d’une île fracturée par l’histoire entre les trois provinces de la République
et celle du Nord.
25-3.
Le pays où vit votre envoyé spécial gagne sur le pays de ses racines, pourquoi
pas ? Seulement, devant la défense française infranchissable, comment ne
pas brûler de revoir Jack Kyle , demi
d’ouverture à la grande époque du rugby irlandais, oiseau survolant les flots
pour marquer son essai ? La discrétion quand même. Quelle réaction si,
excédé par la grâce de Vincent Clerc, j’avais hurlé « Va, bande de
mangeurs de grenouilles ! Vous et les maudits Anglais, vous avez brûlé
Jeanne d’Arc ! »
Votre
intrépide reporter est rentré de cette mission sain, sauf, rassuré, ému. Alors,
à quand la prochaine enquête sur le grand banditisme au pays de Soissons ?
Attention : ai-je bien épelé les noms ?
L’Union
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