C’est à Saint Erme, près
de Sissonne, que Pierre Berriot a commencé à regarder les étoiles. « Nous
n’avions pas de livres à la maison, mais j’ai acquis le goût de l’infini en
regardant. C’était beau. »
Enfant, il aide son père, maréchal‑ferrant du village, à ferrer des
chevaux, et même des bœufs. « J’ai toujours eu envie d’apprendre, mais
je ne suis pas allée au delà du Certificat d’études. » Il devient
maçon « parce qu’il fallait bien un métier », travaille pour
une entreprise et puis, jusqu’à la retraite, à l’entretien de l’hôpital de
Soissons.
Il fait sa propre éducation, apprenant les mathématiques sur le tard, à
l’aide d’un ami enseignant. En 1979 il fonde une association pour les
astronomes du Soissonais. Pour se rapprocher de l’immensité de l’espace, Pierre
a recours à ses mains. Il construit ses télescopes (à miroirs) et lunettes (à
lentilles), et les utilise pour étudier aussi bien les corps célestes que les
objets tout près : un cactus de son jardin révèle autant de secrets cachés
à l’œil nu que la lune et les étoiles. Il fabrique des cadrans solaires, ces
autres outils qui enrichissent la relation entre l’homme et le Soleil, et son
propre astrolabe, un assemblage de disques découpés, inventé avant le télescope
pour étudier l’emplacement des étoiles, calculer l’heure, le lever et le
coucher du soleil.
Sa largeur d’esprit, sa tolérance pour les autres, viennent, non pas de
considérations morales, mais de ce sens de l’univers infini « qui n’a
ni début ni fin. » Autre infini : le temps. « Nous vivons
un moment de ce temps, que toute société se préoccupe de mesurer. » Quand il parle des philosophes du temps,
Saint Augustin, Bergson, il veut communiquer, moins les connaissances que le
plaisir de la connaissance, l’envie de comprendre.
Parlant de lui‑même, Pierre hausse souvent les épaules, marquant le peu
d’importance qu’il y attache par rapport à la vastitude qui nous entoure ;
mais qu’il évoque Aristarque de Samos (premier astronome à affirmer que la
Terre tourne autour du Soleil), ou le fonctionnement de son astrolabe, et
l’ironie disparaît. Sans en retenir la moitié, son auditeur est entraîné par
cette joie de savoir qui n’a pas été usée sur les bancs d’école. A côté de cet
amour, ses dix‑huit ans de conseiller municipal dans l’équipe Lefranc ne sont
pour lui qu’un détail.
Dieu ? La question reste ouverte. Mais de toute façon, « avant
que l’homme ne soit, il n’y avait pas de religion. »
Une recette pour échapper à l’étouffement du quotidien consiste à sortir
dans la rue ou dans son jardin la nuit, et regarder en haut. Au delà des
étoiles, rien, rien ne s’interpose entre le regard et la fin de l’espace – qui,
le rappelle Pierre Berriot, est sans fin.
L’Union
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