12/04/2006

Maurice Laviolette dans le triangle des abeilles

«L’étude des abeilles a commencé sous la monarchie, d’où le nom de «reine» pour la pondeuse. Aujourd’hui, elle serait la Présidente.» Maurice Laviolette porte légèrement et avec humour ses connaissances encyclopédiques sur les abeilles. Il n’est pas un sujet sur lequel il ne raconte pas des à-côtés fascinants. Le nom «Laviolette» ? «Ce serait normand - à moins d’être un surnom que prenaient des fidèles à Napoléon, à cause des bouquets qu’il donnait à Désirée Clary.»
    Son arrière-grand-père, rentré des guerres napoléoniennes, s’installe dans une maison à côté de l’église de Nampteuil-sous-Muret (où il a découvert deux lots de louis d’or, cachés par un couple d’usuriers méfiants l’un envers l’autre – encore une histoire irrésistible). Il y établit un rucher. Mais sa mort aurait été due à des piqûres, et le grand-père de Maurice,  premier par ailleurs du village à avoir un vélo, à ne plus porter de sabots, renonce aux ruches.
    Son père, artisan menuisier, recommence l’apiculture à Mesmin, où Maurice naît en 1931. Après l’école à Rozières, il quitte le collège à quinze ans «malgré le fait d’être premier en version latine, je ne supportais pas l’internat – on n’emprisonne pas une abeille !» et devient apprenti modeleur en bois pour la fonderie. De 1953 à 1961 il travaille avec son père, puis rejoint la caisserie de Vénizel («J’ai vite appris à lire à l’envers pour les besoins de l’imprimerie»). A cause d’un accrochage avec un contre-maître, il passe chez Wolber, fabricant de pneus, où il reste menuisier à l’entretien jusqu’à la retraite.
    En 1965 il assiste à la première réunion d’une nouvelle section CGT à l’usine, et en sort secrétaire. Il porte ainsi les idées radicales de son père. Wolber, entreprise familiale, est achetée en 1975 par Michelin. Il résume sa version des événements récents : «Les patrons se pavanent avec nos sous.»
    Après son mariage, Maurice fait construire à Rozières, où il a encore les six dernières ruches de la soixantaine d’avant. Ainsi, complétant ainsi le triangle de villages dans la vallée de la Crise où était arrivé son ancêtre. Ouvrier, militant syndicaliste, conseiller municipal, il a toujours eu recours à l’« anti-stress» des abeilles. « Ouvrir une ruche, c’est comme tirer un trait sur tout le reste.» Maurice Laviolette s’affairant autour de ses ruches fait penser à un instituteur qui se penche avec bienveillance sur le travail de chaque élève.
    « Mais nous sommes de moins en moins nombreux. Ici, ça finit avec moi. Ma fille ne sera pas apicultrice.» Le déclin de l’apiculture  peut-il avoir des conséquences ? « Selon Einstein, si les abeilles venaient à disparaître, l’homme n’aurait plus que pour quelques années.» Un monde sans abeilles serait un lieu stérile, où les plantes fleuriraient en vain.
L’Union

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les commentaires seront vus avant d'être affichés.