Accoudé à la rampe de l’escalier qui mène au Grenier, la salle compacte au-dessus des espaces de lecture de la bibliothèque, l’acteur attend et accueille le public qui monte. «Jeune acteur, j’avais besoin d’heures et d’heures pour me préparer ; maintenant ça va bien plus vite.» Timothée Laine, cheveux frisés, grisonnants aux tempes, et noués sagement dans la nuque, est venu à l’invitation d’Anne-Marie Natanson, conservateur en chef, pour interpréter des textes d’Arthur Rimbaud.
Il commence par lire quelques extraits de lettres et poèmes. Le tout jeune Rimbaud, avec une certitude qui pourrait ressembler, à s’y méprendre, à de l’arrogance, y pose son ambition d’être poète. Puis Timothée Laine range ses papiers et, muni seulement de sa mémoire, se jette à l’eau. Il récite plus d’une vingtaine de poèmes comme s’il venait de les trouver, et semble lui-même concevoir, sur son estrade, les célèbres «A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu» des «Voyelles». Le choc reste entier quand «Le dormeur du val», au titre élégiaque, se révèle à la fin, avec une brutalité qui se cache derrière des mots utilitaires, être un cadavre troué par deux balles.
Entendre ce qui est plus souvent lu fixe l’attention sur le fait que pour Rimbaud les mots, au lieu de traduire un message, sont le message. Ce qui fait de lui un rebelle parmi les poètes, et une icône d’une jeunesse à la recherche du renouveau, c’est sa manière de jeter bas le langage poétique pour en faire un autre. Le vocabulaire est classique, mais son utilisation est vibrante de nouveauté. D’incongru, chaque mot devient, dans l’instant de sa découverte, inévitable. C’est en cette pulsation, où l’inconnu devient reconnu, qu’a lieu ce que Rimbaud appelle «l’alchimie du verbe».
Timothée Laine est presque effacé, ne s’interposant entre Rimbaud et les auditeurs que par l’énergie qu’il déploie à transformer l’écriture en paroles. Le récital s’est terminé lorsqu’il a ajouté, au dernier vers du dernier poème, le mot «Merci».
L’Union
Il commence par lire quelques extraits de lettres et poèmes. Le tout jeune Rimbaud, avec une certitude qui pourrait ressembler, à s’y méprendre, à de l’arrogance, y pose son ambition d’être poète. Puis Timothée Laine range ses papiers et, muni seulement de sa mémoire, se jette à l’eau. Il récite plus d’une vingtaine de poèmes comme s’il venait de les trouver, et semble lui-même concevoir, sur son estrade, les célèbres «A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu» des «Voyelles». Le choc reste entier quand «Le dormeur du val», au titre élégiaque, se révèle à la fin, avec une brutalité qui se cache derrière des mots utilitaires, être un cadavre troué par deux balles.
Entendre ce qui est plus souvent lu fixe l’attention sur le fait que pour Rimbaud les mots, au lieu de traduire un message, sont le message. Ce qui fait de lui un rebelle parmi les poètes, et une icône d’une jeunesse à la recherche du renouveau, c’est sa manière de jeter bas le langage poétique pour en faire un autre. Le vocabulaire est classique, mais son utilisation est vibrante de nouveauté. D’incongru, chaque mot devient, dans l’instant de sa découverte, inévitable. C’est en cette pulsation, où l’inconnu devient reconnu, qu’a lieu ce que Rimbaud appelle «l’alchimie du verbe».
Timothée Laine est presque effacé, ne s’interposant entre Rimbaud et les auditeurs que par l’énergie qu’il déploie à transformer l’écriture en paroles. Le récital s’est terminé lorsqu’il a ajouté, au dernier vers du dernier poème, le mot «Merci».
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