11/08/2006

La famille Jones : « Diolch an y croeso »

Philip et Suzanne Jones sont nés, ont été élevés, et vivent à Swansea, grande ville de la côte sud du Pays de Galles. Le gallois, langue celte, s’y pratique moins qu’au Nord mais, explique Suzanne « Ma mère le parlait couramment. » Regrettant leur propre incapacité à le maîtriser, ils ont pris la décision d’envoyer leur fille Rhian, âgée de dix ans, et David, six ans, à une école où l’enseignement est dispensé en gallois. Un choix rétrograde en pleine mondialisation ? « Au début, la vaste majorité des élèves venaient de familles parlant déjà gallois, mais ce n’est plus le cas. D’un geste rebelle, c’est devenu un atout d’être bilingue. » Alors que dans le passé un « nœud gallois » en bois était inséré dans la bouche d’un enfant qu’on surprenait à parler gallois, son usage est imposé à Rhian et son frère même dans la cour de récréation.
     Ils passent leurs vacances dans un camping à l’ouest de Soissons, choisi parce que Disneyland n’est pas loin, et pour la région. « Nous irons à Pierrefonds, à Reims, et bien sûr à Soissons. » Ils ont passé une journée à Paris, contents de tout, sauf de l’affluence mal gérée au Louvre devant la Gioconde. David brandit sa tour Eiffel.
    Philip, admettant son manque de prouesse scolaire, était soulagé d’entrer à dix-sept ans au Cadastre de la ville, et y est resté. Suzanne, porte-parole de la famille, raconte qu’une banque l’avait recrutée d’urgence après son bac. « Mais la Reine devait venir, et j’ai retardé mon entrée en fonction pour pouvoir la voir. » A la naissance de Rhian, elle est passée au temps partiel, et pour David elle a quitté son poste. Reprendra-t-elle un travail ? La famille, qui a tendance à charrier ses membres, mais avec tendresse, comme Philip pour sa supposée lenteur d’esprit, commence à rire. Suzanne voudrait-elle donc faire le tour du monde en solitaire, ou devenir trapéziste ? « J’aimerais travailler dans une bijouterie. C’est dans mes gènes. Ma grand-mère ne descendait le matin qu’après avoir mis ses perles. »
    Philip est organiste  d’église, et accompagne la chorale dirigée par Suzanne, suivant en cela la grande tradition musicale du Pays de Galles. Entendre la foule entonner l’hymne national en gallois à un match de rugby donnerait des frissons à un bloc de béton.
    Le pays de Galles, à peu près grande comme la Bretagne, se projetant aussi vers le large, incertain comme elle quant à son autonomie/indépendance, appartient à la même « frange celte » des pays qui, de la Galicie à l’Ecosse, ne renoncent pas à leur ancienne civilisation devant la pression de la culture dominante. Ils tirent la force de leur identité de cette résistance. Pour son âge, Rhian s’exprime avec une facilité qui peut être attribuée à sa constante gymnastique mentale entre deux cultures.
    Comment la famille Jones nous trouve-t-elle ? « Gentils, ici comme à Paris. » Ont-ils un message ? « Diolch an y croeso ! », c’est à dire « Merci pour l’accueil », dans cette langue dont les racines sont aussi les leurs.
L'Union

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