Sa maison de Saint Waast est remplie des affaires
d'une vie de famille — et de serins, d'octodons, et d'un chien avec des poils
qui vont dans tous les sens. Il faut un effort pour visualiser l'histoire de
folie alcoolique de cet homme solide, affable.
«
J'étais mauvais élève. » En fait, c'est après le divorce de ses
parents qu'il doit quitter l'école Saint-Georges et qu'il entre en bataille
avec le système scolaire, jusqu'au moment où il va au lycée
Saint-Vincent-de-Paul, avec le premier groupe de garçons à rejoindre les
filles. Il découvre sa capacité d'action. «
Notre classe s'est opposée à la démolition d'une chapelle dans le parc, en
empêchant les travaux. La directrice, une bonne sœur, en pleurait de
reconnaissance. »
Il devient éducateur, étudie pour un diplôme, et
occupe une série de postes avec les personnes en difficulté, enfants placés,
sortants de prison, sans domicile fixe. Avec tous il prend des initiatives,
partage, responsabilise. « Et je buvais.
À l'excès. » C'est la peur déclenchée par des agressions au travail qui
fait basculer le buveur en ivrogne. « Je
prenais ma bouteille de Pastis planquée dans le jardin, et je la buvais au
goulot. » Déprimé, jamais violent, hospitalisé, interné brièvement, il
réussit ensuite à jouer médecin contre psychiatre pour obtenir des
neuroleptiques. « Je prenais la dose d'un
mois en une fois. »
Il est en contact avec La Vie Libre, association
d'aide aux buveurs et anciens buveurs, mais vient ivre aux réunions, et faillit
se faire éjecter. « On m'a gardé pour
épauler ma femme. » Il suit une cure, puis fait la fête pendant quinze
jours en sortant. « Là, j'ai décidé
d'arrêter. »
Pourquoi à ce moment-là ?
« Je ne cherche jamais les causes. »
Ainsi il garde toute la force d'agir. Mais ainsi il est sans recours devant les
mauvais coups, comme le suicide de son père, alcoolique aussi. Responsable de
La Vie Libre à Soissons, il la présente aux groupes en cure. « Je parle trois minutes, puis nous
discutons deux heures. Je dis que je n'ai plus besoin de boire, c'est tout. Je
n'ai pas soif. » Il sourit. « Dans
mon café, je suis l'ancien alcoolo. » Si l'on lui offre un verre ? « Je refuse, si on insiste je pars. »
L’Union
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