L’accessoire de scène essentiel de « Vienne
1913 » est un banc sur une estrade. Tel quel, il sert de lit de fortune au
misérable Adolf ; recouvert d’un châle, il devient le divan sur lequel
s’allonge l’aristocratique Hugo pour ses séances avec Freud ; tournant sur
l’estrade devenue manège, il valse à la viennoise.
Jean-Luc Paliès reste le Dr Freud même dans les loges. |
La pièce d’Alain Didier-Weill montre
le bouillonnement culturel et intellectuel de la ville à la veille de la Grande
guerre, cet acte de décès du 19e siècle. Le monde de l’esprit et des arts y jette
son feu. Dans ce contexte naissent deux tendances contraires qui allaient
éclairer ou peser sur l’époque, et qu’illustrent les deux jeunes hommes. Hugo,
troublé par son antisémitisme, utilise les outils de la psychanalyse pour
revenir intérieurement sur un complexe d’Œdipe mal résolu. Quant à Adolf (devinez
son autre nom), il cherche ailleurs les sources de sa paranoïa, générée par l’échec,
la violence et la maigreur de son talent d’artiste. Par osmose entre les deux,
qui se croisent constamment, Hugo échappe à ses démons alors qu’Adolf s’y
abandonne.
C’est une bagarre d’idées qui éloigne
enfin Hugo d’Adolf, héritier véhément de son racisme en forgeant la vision du
« nouvel homme » aryen. Cette bagarre, entre ceux qui s’assument et
ceux qui tiennent toujours les autres pour responsables, a les conséquences que
l’on sait. Rarement sur une pièce ne pèse autant ce que nous savons de ses
suites apocalyptiques.
Un texte trop cérébral pour la
scène ? La direction pétillante de Jean-Luc Paliès (Freud dans le texte)
écarte toute lourdeur dialectique. Les comédiens, stationnés derrière leurs
pupitres d’orchestre, interviennent quand il faut, avec un sens de l’humour qui
s’exprime sur tous les tons. Une tragédie par son sens, la pièce reste une
comédie par sa mise en scène, atteignant ainsi les spectateurs à deux titres.
L’Union
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