L’île d’Irlande est fendue en deux par son passé ponctué de trahisons, autant entre Irlandais et Britanniques (on n’y dit jamais « Anglais ») qu’entre Irlandais selon l’appartenance religieuse, et même dans chaque communauté. « Mon traître » est une lumineuse adaptation par le metteur en scène Emmanuel Meirieu de deux romans de Sorj Chalandon, journaliste à Belfast dans les années 60. Elle raconte l’histoire d’un militant de l’Ira devenu délateur sous le chantage des forces britanniques, puis assassiné par les siens.
Les acteurs saluent le public : de gauche à droite Stéphane Balmino, Jérôme Derre et Jean-Marc Avocat. |
Un admirateur français du militant dit la trahison de sa ferveur. Un fils crie sa perte, appelle au retour de son père. Enfin, le mort revient sur sa longue douleur. Oraison funèbre, confession, témoignage devant un tribunal ? Le dispositif éloigne toute intrigue, toute action dans lesquelles le spectateur ou le comédien puisse se réfugier. Les paroles volent comme des pierres.
« Mes frères d’armes, mes bourreaux ! » crie-t-il aux camarades qui ont fini par le tuer. L’auteur sait qu’une cause politique ne fait pas un drame. Le traître trahit son secret intime, ce tiraillement depuis l’enfance qui crée un flou entre amis et ennemi.
Que représente la pièce pour un spectateur irlandais ? Conscient en sortant de regards amis concernés, il est pris par le sens d'une autre trahison, celle d’être parti de ce pays tourmenté, avec sa beauté que côtoient les Irlandais avec tant de nonchalance, mais qui fait partie de leur tournure d’esprit.
L'Union
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