C’est
plus fort qu’elle. A une question sur ce qu’elle buvait au temps de sa
dépendance, Catherine Pitiot réagit d’abord par une grimace. « Des
alcools durs : vodka, rhum, des eaux de vie. »
Catherine est née dans le Haut Jura, enfant
unique d’une mère jurassienne et d’un père plus âgé, originaire de Lyon. Quand
elle a cinq ans, son père commence à perdre la tête. « On ne disait pas
Alzheimer à l’époque. » Sa mère le garde à la maison tant qu’elle
peut. « Il était gentil avec moi, mais pouvait être difficile quand il
fallait l’habiller, le coucher. »
Une tante qui habite Soissons leur propose
enfin de la rejoindre. « Il est mort quand j’avais quinze ans. »
Sans avoir bien réussi à l’école, et après quelques petits postes, elle répond
à une annonce pour travailler à l’hôpital de Soissons, devient aide‑soignante
en 1976, et y travaille aujourd’hui aux Urgences.
Elle se marie, a une fille. Et commence à boire, de plus en plus. « Déjà
le matin. Je passais la nuit parfois dans ma voiture. J’allais dans les boîtes
de nuit. » Son mariage va mal. De son mari elle dit seulement « Il
n’était pas ce que je voulais. » : dans tout son récit, Catherine
ne tient personne pour responsable de sa chute. « La vie a voulu que ce
soit comme cela » dit‑elle. Elle réagit. Ayant gardé secret sa maladie
‑ « Je planquais mes bouteilles partout » ‑ elle se bat pour
sa liberté au grand jour. « Avant de rentrer en cure, j’ai montré la
convocation à mes collègues. »
Après la cure à Compiègne, elle tient quinze
mois, puis achète une bouteille pour une invitée. « J’ai remis le nez
dedans. » Elle retourne en clinique, rencontre un médecin « qui
savait comprendre, écouter, un vrai grand‑père ». En sortant, elle se
joint à la Vie Libre, association d’aide aux buveurs et aux anciens buveurs. Son
abstinence ne sera pas molle, mais militante.
Un prisonnier compte les jours jusqu’à sa
libération, Catherine les compte depuis la sienne. « Je suis abstinente
depuis douze ans. Plutôt, j’ai choisi de ne pas boire. ». Ce n’est pas
qu’une phrase, c’est un manifeste. Catherine vit libre, non pas par une simple
absence de contraintes, mais par un choix qui se renouvelle chaque jour.
Elle serait alors la sobriété
incarnée ? Il lui reste un rire occasionnel, dans la gorge, qui laisse deviner
sa convivialité. Son intensité en parlant, les yeux fixés sur la personne en
face, peut cacher une vulnérabilité, qui
donne une couleur plutôt émouvante aux échanges.
Elle parle
de son compagnon de vie. « Nous nous sommes rencontrés à une formation de
l’association. Nous sommes en ménage depuis huit ans. Ma vie sentimentale est
heureuse. » Ainsi, s’arrêter de boire ce n’est pas tant renoncer à
quelque chose, qu’assumer les défis de la vie, dont celui du bonheur.
La
Vie Libre. Tél. 03.23.93.53.50
L'Union
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