09/11/2005

Catherine Pitiot : ce que la vie a voulu



C’est plus fort qu’elle. A une question sur ce qu’elle buvait au temps de sa dépendance, Catherine Pitiot réagit d’abord par une grimace. « Des alcools durs : vodka, rhum, des eaux de vie. »
    Catherine est née dans le Haut Jura, enfant unique d’une mère jurassienne et d’un père plus âgé, originaire de Lyon. Quand elle a cinq ans, son père commence à perdre la tête. « On ne disait pas Alzheimer à l’époque. » Sa mère le garde à la maison tant qu’elle peut. « Il était gentil avec moi, mais pouvait être difficile quand il fallait l’habiller, le coucher. »
    Une tante qui habite Soissons leur propose enfin de la rejoindre. « Il est mort quand j’avais quinze ans. » Sans avoir bien réussi à l’école, et après quelques petits postes, elle répond à une annonce pour travailler à l’hôpital de Soissons, devient aide‑soignante en 1976, et y travaille aujourd’hui aux Urgences.
    Elle se marie, a une fille.  Et commence à boire, de plus en plus. « Déjà le matin. Je passais la nuit parfois dans ma voiture. J’allais dans les boîtes de nuit. » Son mariage va mal. De son mari elle dit seulement « Il n’était pas ce que je voulais. » : dans tout son récit, Catherine ne tient personne pour responsable de sa chute. « La vie a voulu que ce soit comme cela » dit‑elle. Elle réagit. Ayant gardé secret sa maladie ‑ « Je planquais mes bouteilles partout » ‑ elle se bat pour sa liberté au grand jour. « Avant de rentrer en cure, j’ai montré la convocation à mes collègues. »
    Après la cure à Compiègne, elle tient quinze mois, puis achète une bouteille pour une invitée. « J’ai remis le nez dedans. » Elle retourne en clinique, rencontre un médecin « qui savait comprendre, écouter, un vrai grand‑père ». En sortant, elle se joint à la Vie Libre, association d’aide aux buveurs et aux anciens buveurs. Son abstinence ne sera pas molle, mais militante.
    Un prisonnier compte les jours jusqu’à sa libération, Catherine les compte depuis la sienne. « Je suis abstinente depuis douze ans. Plutôt, j’ai choisi de ne pas boire. ». Ce n’est pas qu’une phrase, c’est un manifeste. Catherine vit libre, non pas par une simple absence de contraintes, mais par un choix qui se renouvelle chaque jour.
    Elle serait alors la sobriété incarnée ? Il lui reste un rire occasionnel, dans la gorge, qui laisse deviner sa convivialité. Son intensité en parlant, les yeux fixés sur la personne en face, peut cacher une vulnérabilité,  qui donne une couleur plutôt émouvante aux échanges.
    Elle parle de son compagnon de vie. « Nous nous sommes rencontrés à une formation de l’association. Nous sommes en ménage depuis huit ans. Ma vie sentimentale est heureuse. » Ainsi, s’arrêter de boire ce n’est pas tant renoncer à quelque chose, qu’assumer les défis de la vie, dont celui du bonheur.
La Vie Libre. Tél. 03.23.93.53.50
L'Union

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les commentaires seront vus avant d'être affichés.