15/03/2006

Francine Pérard : il était une fois Mamita

Une conteuse n’aurait elle pas la tête dans les nuages, là d’où elle tirerait ses idées, loin du plat quotidien ? Francine Pérard a plutôt les pieds sur terre. C’est sa mémoire qui informe ce qu’elle dit, plus que la fantaisie. Les mots sont dits pour le plaisir, mais avec précision. «Je ne parlerais pas d’un tronc de bambou, main d’une tige, car c’est une graminée.»
    Pourtant, même prendre rendez-vous avec elle est toute une histoire. Elle décore de détails et de parenthèses la discussion du jour et l’heure. Cela donne à la conversation tout le charme d’un conte, qui prend l’auditeur et ne le lâche  pas.
    L’association «Conte et Raconte en Soissonnais», fondée en 1988 et qu’elle préside, comprend huit conteuses («mes complices en contes»).
    Comment devenir conteuse ? «Pensant déjà à ma retraite, je tombe chez mon coiffeur sur une annonce, proposant une formation.» Depuis, de stages en ateliers, les membres se forment, pour améliorer leurs interventions dans des écoles, les maisons de retraite, là où les gens aiment s’en laisser conter des belles.
    Alors que le merveilleux, le fantastique, le burlesque, le triste et le gai sont à portée de ses lèvres, pourquoi se tarderait-elle sur sa propre histoire ? Elle évoque à peine son grand père suisse, venu à Saint Omer et happé par une machine dans une minoterie ; son père mort alors qu’elle avait dix-huit mois ; sa mère, receveuse de la Poste à Ambleny ; ses lectures, dont Balzac à dix ans ; ses années de guerre, pensionnaire au Lycée de la rue de Panleu, avec des Allemands qui occupaient les maisons voisines ; sa carrière tout entière dans le service social de l’AMSAM, jusqu’en 1987. Elle aime mieux parler de l’activité de conteuse «en concertation et en bonne entente» avec les autres. Rester derrière les contes, pas devant, voilà l’ idée.
    Pour conter, elle est «Mamita», c'est-à-dire «Grand-mère» en espagnol.  «Je raconte aux enfants comme à mes petits enfants.» Elle a un répertoire de deux centaines de contes, aménagés pour chaque public. «Si un conte effraie un enfant, je lui dis «N’aie pas peur : tu sais, ça finit bien.»
    Il s’agit de dégager le sens profond d’une histoire, celui qui «fait grandir les enfants et réfléchir les adultes».
    Le goût des contes illustre une constante chez les hommes, celle de faire d’un monde sans queue ni tête une histoire qui tienne. Qui, en racontant le soir son après-midi, n’a pas ajusté la réalité pour donner une tension narrative aux événements épars de la journée ?
    Mamita a une approche savante des contes, citant ses sources, écrivains, recueils, les mythologies. Sa longue pratique donne à sa conversation une texture qui vient, non pas d’effets rhétoriques, mais de sa capacité à faire coller les mots exactement à ce qu’elle veut dire – et puis de les faire danser. Il le faut : alors qu’un auteur espère être lu, un conteur n’existe qu’écouté.
L’Union









Francine Pérard devant le portrait de l’écrivain Alice Verlay, cousine de son grand père.

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