10/05/2006

Marie-Noëlle Stevens : de la chenille au papillon

Elle porte un tatouage sur l’avant-bras. « Michel me l’a donné comme cadeau d’anniversaire, parce que je ne porte presque pas de bijoux » - elle agite un bracelet – « et j’en ai un autre sur la nuque, un code barre avec ma date de naissance. »
    Marie-Noëlle Stevens est petite, mince, souriante, chaleureuse – la chaleur entre elle et son compagnon est palpable – et présidente du moto-club féminin « Les Anges de la Route », qui a trois conjoints masculins parmi ses adhérents. Les motards ont la réputation d’aimer s’éclater, sur la route et dans les fêtes, et ils ne font pas de chichi : « J’aime déconner. Pour la fête de la moto en juin, il y aura une stripteaseuse – et un stripteaseur pour les femmes, y a pas de raison ! » Mais derrière leur cuir, leurs tatouages, leurs grosses cylindrées, leurs bandes, ils sont connus aussi pour leur cœur d’or. Les Anges de Marie-Noëlle font autant de bonnes actions que de virées.
    Elle a fondé l’association avec sa meilleure amie. « La première fois que j’étais montée derrière Michel, c’était la panique de chez panique. Mais j’ai fait face et j’ai eu mon permis. »
    « Dans le milieu, on m’appelle « la Marie », pas Marie-Noëlle. » Elle porte une bague de fiançailles. Le mariage, alors ? « Oui. Mais il faut attendre. On fera une sacrée fête avec les copains, et ça coûte cher. »
    Motarde sans complexe, sans nuance ? Marie-Noëlle a une autre histoire derrière elle, celle d’une femme battue pendant vingt ans. Elle a déjà choisi la transparence à ce sujet, en témoignant de ses souffrances (voir l’Union du 26/11/06). Depuis, la mort violente de son ex-mari l’a enfin libérée. Elle raconte maintenant son mariage comme si elle parlait des tribulations d’un voyage en moto : les coups, les brûlures de cigarette, l’obésité dans laquelle elle se réfugie, les insultes, et le secret honteux à garder. C’est loin derrière ? Soudain, elle en pleure.
    Il y a huit ans elle rencontre Michel. « Il y a en a qui vont voir un psy. Moi, Michel est ma psychothérapie ». Il lui trouve un travail comme conducteur de chien – « le terme « maître-chien » est réservé à l’armée et à la gendarmerie. » Elle passe actuellement ses nuits sur un chantier, seule avec sa chienne.
    Deux femmes dans une seule vie, alors, qui n’ont en commun que leur identité ? Michel n’est pas d’accord. « C’était une chenille, et elle est devenue papillon. » En fait, la force marque les deux moitiés de sa vie. Mais alors qu’elle subissait la violence de son mari, elle appartient maintenant  à un monde où la force se partage, rapproche les gens, et ne s’exerce aux dépens de personne. Même sa rottweiler Tila vient toute pataude se faire caresser.
    Une image surgit, de la Marie enfourchant sa grosse Yamaha, un papillon assez solide pour la tenir sur la grande route qui mène loin, loin.
L’Union

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