25/05/2006

Pergolèse à Saint Léger : le premier et le dernier

Le premier concert à Saint Léger depuis sa réouverture s’est trouvé être le dernier concert du cycle Musée-Musique. Le cadre majestueux de l’ancienne église ne fera pas oublier la salle de l’Arsenal, où pendant tous ces mois tant de musiciens ont montré leur plaisir à jouer, et à jouer ensemble, comme le Quatuor Takács avec Muzsikás, ou les jeunes de l’orchestre Ostinato.
    A Saint Léger, avec ses hautes voûtes et colonnes, la saison a pris fin avec élégance. Les musiciens jouaient sur une plateforme naturelle à la croisée, ceints par l’arrondi que forment cinq marches. L’éclairage chaud installé par l’équipe du centre culturel, et qui caresse les instruments de bois, était doublé en début de soirée par la lumière du jour derrière les vitraux clairs. Elle baissait peu à peu jusqu’à disparaître, et le concert s’est terminé dans un cercle éclairé.
   « Stabat Mater », poème mystique d’un moine du XIIIe siècle, a été mis en musique par plusieurs compositeurs, dont Jean-Baptiste Pergolèse peu de temps avant sa mort à vingt-six ans. Son œuvre vigoureusement profane, qui arrive à transformer l’affliction de la mère du Christ en émotion humaine, a été interprétée par Hanna Bayodi, soprano, et Robert Expert, contre-ténor, accompagnés par l’ensemble baroque La Ménestrandise.
    Les multiples couches de la partition, souvent décalées dans le temps, créent une texture qui a touché le public, en gardant toute sa musicalité en éveil. Deux autres éléments déconcertants empêchaient l’inattention. Les sœurs jumelles Ramona jouent deux instruments différents, d’où des moments d’illusion optique. D’autre part, le visage et le corps d’homme de Robert Expert s’accordent étrangement à la riche voix de femme qui en émerge – et rappellent que les premiers à chanter cette œuvre ont été des castrats. « Je suis entré au conservatoire de Bordeaux comme contre-ténor » explique-t-il après le concert, « mais ma professeur m’a fait travailler en baryton au début. »
    « Stabat Mater », malgré ses paroles douloureuses,  génère une grande douceur qui, pourtant, n’est ni sucrée ni lisse. Elle provient d’une harmonie complexe, aidant les auditeurs à toucher à la substance même de la musique, la douceur même de vivre.
L'Union

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