Leila da Rocha, volcan de
la danse à Soissons – son association ne s’appelle-t-elle pas « Kdanse
Etna » ? – sait qu’elle ne peut pas tout arrêter pendant deux mois en
été. « Certains de mes danseurs pensent devenir professionnels, et ils doivent
danser tous les jours. » Elle a organisé un stage, animé par trois
danseurs connus : Pénélope pour le « New style », Emilie Martial
pour le jazz, et surtout Patrick Dupond, longtemps danseur étoile à l’Opéra de
Paris, pour le ballet classique. Leïla, qui prend des cours au Centre du Marais
à Paris où il enseigne, lui a demandé. Il a accepté.
Dans
son cours il apprend aux élèves des pas, des enchaînements, mais ses paroles
vont bien plus loin que les consignes. Il les fait rire, et pleurer. Avec une
foule d’anecdotes (y passent Plissetskaïa, Béjart), de railleries et
d’encouragements, il fait passer une vision de la danse, de ce qu’est le
spectacle. Il avertit que l’énergie, qui peut amener à tout, doit être canalisée :
« Sinon tu pars dans tous les sens, tu finis en morceaux à vingt-six
ans. » Devant quelques larmes, il console, puis fait remarquer que
« la danse, c’est pas pour pleurer ; on pleure après, mais de
bonheur. » A des élèves qui restent en retrait il tonne « Ne
dansez pas au mur, il ne répondra pas. Dansez à moi, je vous répondrai. »
Il ne se sert de sa célébrité que pour y puiser de l’autorité. Il est même
capable de tourner en dérision son rôle de star internationale, en devisant en anglais, en russe, avec des mimiques baroques.
Pour
danser, il ne suffit pas d’esquisser quelques gestes gracieux. Si l’athlétisme
est la prose de l’effort corporel, la danse est sa poésie. En plus, le ballet
classique exige de gommer tout signe de difficulté. « La danse élève. Les
épaules et la tête sont comme un portemanteau, accroché en l’air. »
Quelle
différence entre danser et enseigner la danse ? « Quand vous
dansez, vous transmettez un message, alors qu’en enseignant vous apprenez la
façon de transmettre ce message. » Il exécute un mini-ballet pour
illustrer son propos.
Que
voit-il en se scrutant dans les murs miroirs ? « Ce qui ne va pas ».
L’auto-admiration n’est pas pour lui. « Sauf quelques moments, quelques
mouvements, en quarante ans de vidéos. » Il s’agit de ce qu’il
appelle, pendant le cours, « ces moments d’éternité », lorsque
c’est parfait, le saut ou l’arabesque, et que le temps s’arrête. Les élèves
sont silencieux devant cette promesse.
Patrick
Dupond intrigue, comme chaque fois qu’un visage célèbre se présente nu, moins
lisse, plus humain. A la cinquantaine, son corps est presque décharné. Danseur
mais aussi visionnaire de la danse, intransigeant, extravagant, généreux, parfois
absurde, il incarne la puissance qui seule fait atteindre les sommets.
L’Union
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