Chaque mercredi, Giuliano Aïta, plombier en retraite,
prend ses outils et montre aux jeunes de 9 à 14 ans ce qu’était son métier. Il
est bénévole de l’association Outil en Main « pour rester dans le bain,
être en contact avec les enfants, côtoyer des gens intéressants. »
Pour arriver là, il a fait du chemin. « J’étais
conçu en France, et né en Italie. » Son père, immigré du Frioul avant
la guerre, était maçon. La guerre arrive et, ne voulant pas se battre contre
ses compatriotes, il ramène sa famille en Italie. Pour y éviter l’armée, il
accepte de partir en Allemagne. « Je ne le connaissais pas quand il est
rentré. » La guerre finie, Giuliano se retrouve à Dammartin, ne
parlant que le Frioulan. A l’école il est mis avec les petits. On l’appelle
« Julien », mais il est resté italien. « Ma carte d’identité
italienne me suffit. » Pourtant il apprécie la France. « Ici,
tu rabroues un policier, cela passe. En Italie, tu es coffré. »
Julien et son furet se présentent |
Depuis sa retraite en 1996, il habite toute l’année avec
sa femme Annick dans leur maison d’Hartennes, avec jardin et basse cour. Partis
de Dammartin parce que leur maison s’est trouvée coincée par de nouveaux
immeubles, ils sont à présent adossés à une nouvelle zone industrielle. « Ca
nous poursuit » : Annick en rit.
Julien est peu enclin à se mettre en valeur. Il faut
l’interroger en détail, jusqu’à ce qu’il se prenne au jeu, et explique comment,
privé de l’accès à la culture que donnent les études, il a profité de la vie
pour apprendre. « Je voulais faire la mécanique, devenir marin, mais
les places étaient réservées aux Français, et on m’a mis à la plomberie. »
Apprenti à Paris, il y va tous les jours en car, chez un patron qui travaille
pour des bâtiments historiques, tel le Collège de France. « Je parlais
aux professeurs tous les jours au café. Intéressant ! »
Il sillonne Paris, fréquente le TNP de Vilar. « Brecht,
je savais même pas qui c’était. » Il devient anarchiste. Italien, il
échappe au service militaire. « Mon père disait : ne prends jamais
un fusil contre un être humain. » Il rejoint les auberges de jeunesse,
voyage avec un « billet populaire » ou en stop. Un jour, avec ses
camarades, il manifeste à la gare de Lyon contre l’envoi du contingent en
Algérie, et est arrêté. « J’ai donc fait de la taule ! »
A Dammartin, il suit des cours d’anglais, de solfège.
Enfin il se met à son compte. « J’ai dû apprendre
le dépannage. J’avais installé des centaines de chaudières sans jamais regarder
dedans. » Son travail est apprécié, mais il a du mal à sévir contre
les mauvais payeurs.
Julien Aïta exprime
de l’admiration pour son père, travailleur, musicien, curieux de tout. Sa
modestie l’empêche sans doute de penser que des gens estiment autant le fils, pour
son parcours, ses opinions et ses engagements.
L’Union
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