« Le loup, l’homme et Dolly », qui vient
de gagner le nouveau prix Terra, créé pour encourager des contributions au
grand débat sur le monde agricole, évoquer l’élevage, de ses débuts à nos
jours. L’agriculture, une activité nécessaire mais sans pertinence dans un
monde technologique ? Denis Lefèvre continue, de livre en livre, à
démontrer le contraire, qu’elle « se situe sur les frontières d’un monde
en mouvance » : le clonage, la marchandisation, les maladies qui
sautent la barrière entre les espèces, sont des préoccupations majeures
aujourd’hui.
L’élevage date de l’âge néolithique, lorsque les
peuples du « Croissant fertile » passent de la chasse et de la
cueillette à la production de récoltes et de bétail. L’apprivoisement des
animaux commence, pour arriver à vingt-cinq espèces : équidés, bovins,
ovins, caprins et volaille, mais aussi l’éléphant et le ver à soie.
L’impact du livre vient de sa capacité à analyser
et illustrer des sujets familiers à tous mais flous. La concurrence entre
l’éleveur et l’agriculteur ? La Bible met le doux pasteur Abel en face du
rustre cultivateur Caïn. La montée du christianisme au Moyen age ? L’évêque
de Laon excommunie les chenilles qui ravagent les récoltes. La transhumance
alpine et provençale ne serait pas qu’un folklorique événement saisonnier mais,
pour Fernand Braudel, le pendant occidental du grand nomadisme oriental. Les
chevaux de trait ne se développent qu’au 20e siècle.
Mais l’auteur va plus loin que l’anecdotique :
il examine tous les aspects historiques et contemporains de l’élevage, des
positifs comme la vaccination aux plus scandaleux, comme la dépendance
européenne des aliments importés, ou la maladie de la vache folle.
Qu’est‑ce qui a motivé le jury en lui attribuant ce
prix ? Interrogé au Salon de l’agriculture, Luc Guyau, président des
Chambres d’agriculture, apprécie « la façon dont l’homme est placé au
centre de l’histoire des animaux ». Pour Jean‑Christophe Rufin, prix
Goncourt 2001, « il montre la continuité dans l’histoire des animaux et
des hommes, et fait la soudure entre le passé et le futur ». Anne
Hudson, journaliste à France Info, est catégorique : « C’est
agréable. C’est bien écrit. C’est facile à lire. »
Denis Lefèvre vient du milieu agricole mais, vivant
à côté de la ferme familiale à Oulchy-le-Château exploitée par son frère et sa
sœur, il a choisi, au lieu de creuser la terre, de creuser le sujet par
l’écriture. Il travaille maintenant sur les végétaux, leur passé, leur présent
et leur avenir pour les hommes.
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