Le fort
de Condé est un lieu d’hommes. Dans ses murs massifs, beaux mais sans grâce, ses
espaces à la lumière exiguë, les hommes ont été guerriers. Même en cours de
restauration, mis en valeur par un éclairage subtil, il garde son ambiance
masculine.
Le féminin y paraît, pourtant, avec la première
exposition dans une nouvelle galerie voûtée toute blanche. Annick Vennet,
présidente de la Communauté des Communes du Val de l’Aisne, a accueilli l’artiste
Marie Miranda, et ses collages et tableaux créés autour des lettres d’Elie
Vandrand, soldat en 1914-18. Depuis son exposition sur ce thème à la
bibliothèque de Soissons (voir l’Union du 9 juillet 06), Marie a enrichi sa
quête du sens de ce qu’elle voit comme « un pont entre deux
mondes », les lettres échangées entre le front et le foyer.
Pour Marie, ces correspondances entre les hommes qui se
battent et les femmes qui les attendent, cantonnés dans leurs fonctions
masculine et féminine, formaient « des tuteurs pour aider les soldats à
rester debout ».
En recevant ces mots bruts de bataille, l’artiste
transforme le geste masculin par sa perception et sa coloration féminines.
Chez Marie Miranda, l’écrit sert souvent de piège.
Visible mais illisible, il met le spectateur dans une ambiguïté plus réceptrice.
Deux phrases se déchiffrent, cependant : « Rien à dire que de vous
embrassé de tou mon cœur, mes plus douce caresse, mes meilleurs baisé. Je
m’ennui de partir en permission pour vous revoir ». Elie meurt à vingt-trois
ans en 1916 à Verdun. Il a eu le temps d’être homme, pas assez pour devenir père,
autre rôle masculin. C’est son arrière-arrière-petite nièce qui publie ses
lettres.
L’Union
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