07/08/2007

Don et Sheila Stokoe vivent les valeurs ouvrières

Sur un air de danse écossais, il chante la tristesse, le chagrin, le désespoir, la colère, la frustration des mineurs anglais à la fermeture de leurs mines. « Vous nous envoyez à l’usine fabriquer les jouets,c’est malin : des emplois oui, mais pour les femmes et les gamins. »
Le père de Don Stokoe était mineur dans le Durham, dans le nord de l’Angleterre. Pourquoi n’a-t-il pas suivi son père dans la mine ? « Tous les parents espéraient éviter cela à leurs fils. » Mais, dans le camping car garé au terrain de camping de Soissons, il raconte bien la mine et les mineurs, personnages souvent hors normes, comme celui qui « mangeait deux côtes de porc en attendant son dîner. »
Le premier mari de sa femme Sheila, mineur lui aussi, en est mort avant quarante ans, la laissant avec de jeunes enfants. Bien plus tard, l’origine professionnelle de sa maladie a enfin été admise, et elle a été indemnisée. Veuve, elle a milité dans un groupe de familles monoparentales. Puis elle a rencontré Don, célibataire affirmé jusqu’à là.
Depuis la retraite, il y a une vingtaine d’années, ils font deux voyages en France par an, cinq mois en tout, et passent chaque fois la première comme la dernière nuit au camping de Soissons. Pourquoi ici ? C’est une escale idéale avant d’aller plus loin, puis avant de traverser la Manche. Et il leur plaît. « Nous aimons les campings municipaux, pas chers, bien gérés. »
 « Une fois installés, nous allons partout à pied. » Car ce sont de grands marcheurs, Don depuis toujours, Sheila depuis qu’il lui a fait partager son plaisir.  Ils ne se lassent pas de se promener en France. « L’Espagne est moins notre genre, trop de monde. »
Don était peu porté sur l’école : « Je n’attendais que les vacances. » Longtemps fonctionnaire local en ville, il a pu passer à l’administration du parc national de la Northumbrie, qui touche à l’Ecosse, et ils sont allés vivre dans la chaîne pennine, colonne dorsale de l’Angleterre. Il a pris sa préretraite en 1988, et le lendemain même ils sont partis pour la France.
Don et Sheila sont accueillants, souriants, positifs, se prêtant sans méfiance à l’exercice de l’entretien. Interrogé à ce sujet, Don réfléchit. « Nous vivons les valeurs de la classe ouvrière. Ce sont simplement les meilleures. » Solidarité, modestie, souci du progrès social. Il restent membres du parti Travailliste, ne s’offrant pas le luxe de réagir à ses écarts récents : la cause ouvrière reste la priorité.
Don fait partie d’un groupe folklorique, qui chante non pas seulement le passé pittoresque mais aussi les événements plus récents. Une tradition reste vive tant que la société qui la nourrit vit. Don admet qu’avec la fermeture des mines le monde qui inspire ses valeurs s’est évanoui. La tradition perd ainsi son sang neuf, devient commémoration. Mais sous les arbres du terrain de Soissons, Don chante un drame encore trop présent, trop amer, pour être patiné par le charme du passé.
L’Union

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