En fait, la pièce de Schmitt et
l’interprétation de Duperey évitent méticuleusement ce danger. La
sentimentalité implique une priorité absolue donnée aux émotions, aux dépens de
la raison. Le cœur écrase le cerveau. Or, il faut les deux pour passer au-delà
des larmes faciles jusqu’à la réflexion. Il y a eu du trouble dans la salle,
mais venu de la perception des réalités de la mort d’enfant, et de l’amour et
la colère qui l’accompagnent.
Comment font-ils, alors, l’auteur et
la comédienne ? Schmitt présente la situation sans fard, mais avec une
gravité ponctuée par un humour décapant. Un autre patient, le petit Yves,
devient « Bacon » pour ses amis « parce que c’est un grand
brûlé ».
Danielle Darrieux, qui avait créé la
pièce à Paris, comptait sur sa gouaille de grande dame pour déjouer les pièges.
Anny Duperey montre davantage de douceur, mais n’est jamais mielleuse. Son ton
reste ferme. Comme Schmitt en écrivant ce qu’elle dit, elle ne force pas l’émotion.
Enfin, l’intelligence est constamment
sollicitée, antidote au larmoiement. La dame rose, visiteuse, propose à Oscar de
vivre chaque jour comme si c’était dix ans. La pièce met en parallèle la
maladie qui empire et ce jeu. Oscar mène une vie trépidante, à travers l’adolescence
et ses émois, l’âge adulte, ses déceptions et son épanouissement, la vieillesse
et la grande vieillesse. A dix ans, c'est-à-dire cent dix ans, Oscar meurt dans
le bonheur d’une vision de la splendeur du monde, et en se sachant partie de
cette splendeur. C’est le cadeau qu’il donne au monde, et au public, en le
quittant.
L’Union
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