Sa maison, héritée de sa grand-mère, se trouve en retrait
entre deux autres sur une des rues en pente de Clamecy. Elisabeth Garnavault y
vit seule, mais guère en retrait. Elle participe vigoureusement à la vie du
village, et à nombreuses autres activités associatives.
Pleine d’amabilité, Babeth raconte une vie qu’elle dit « mouvementée » :
une éducation religieuse stricte, le métier d’infirmière, même la gestion d’une
superette à Reims. Mais deux longs épisodes prédominent. Elle a été mariée deux
fois, d’abord à dix-huit ans. Ses deux maris ont été violents, l’ont battue et
menacée de mort – et tous deux se sont suicidés, le second alors que Babeth et
un de ses enfants étaient dans la maison. « Je n’ai pas voulu revenir
ici seule après. J’entendais ses pas dans l’escalier. » Mais elle
assume cette expérience, ne cache rien. « C’est quand même étrange.
Deux fois ! » Babeth interroge constamment ses expériences, ses propres
actions. « J’étais très soumise, comme ma mère. »
Veuve, elle se lance dans des activités, toujours prête à
donner un coup de main. Là aussi, elle se demande ce qui l’empêche de dire
parfois « Non ».
Après une conférence, elle rejoint Chrysalide, nouvelle
association pour les personnes souffrant d’obésité. « Je suis d’une
famille d’obèses. Ma mère servait toujours deux grosses portions. Si on
mangeait pas elle était malheureuse ! Au fait, elle donnait ainsi
l’amour. » Babeth se fait poser un anneau gastrique, dont elle
reconnaît les bienfaits – « j’ai perdu trente-cinq kilos » –
et les contraintes quotidiennes, pour manger, pour sortir. Elle a pensé
l’abandonner. « Mais je vais le garder. » Comme toujours, Babeth
s’interroge sur le sens de ses décisions. « Après tout, pourquoi je
veux maigrir ? » Une amie médecin lui a posé la question. « Question
de santé » a répondu Babeth. « C’est l’avenir, cela. Pourquoi
aujourd’hui ? »
Les gens peuvent s’associer pour pratiquer ensemble une
activité, avancer une cause. Chrysalide prône plutôt le soutien mutuel, la
recherche de « mots pour guérir les maux ». Chacun est un miroir des
autres, allant ainsi vers une clarté qui les libèrera des ombres.
Babeth Garnavault se bat en fait pour savoir qui se
trouve derrière ses rondeurs excessives, sa bonne humeur implacable, son
agitation associative. Comment se défaire du poids du passé, du poids, sans en comprendre
le sens ?
L’Union
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