Avant
l’entretien, Jacqueline Dubois a écrit quatre grandes feuilles, détaillant les
dates, les médecins, les traitements, faits marquants du long diabète de sa
fille Christine. C’est un emploi du temps pour un travail qui a tout accaparé
dans leur vie commune.
A douze ans, elle voit Christine, dernière des quatre
enfants, « boire, boire, boire, mais déshydratée, les lèvres blanches,
les pores de la langue grossies ». Un médecin l’envoie d’urgence à
l’hôpital. Elle a 6 g de sucre dans le sang, indication vertigineuse d’un
diabète. Elle est soignée, subit de multiples traitements, sans stabiliser la
maladie – « toujours en yoyo » dit sa mère. Elle subit plusieurs
épisodes critiques menant jusqu’au coma.
Maintenant, à plus de quarante ans, elle porte en
permanence une pompe à insuline. Elle a dû renoncer à travailler, et à se
marier – « Les employeurs, comme les copains, vous renvoient dès que
vous avez une crise. » Son diabète ne serait pas héréditaire, mais venu
d’un « blocage » à l’école, devant l’attitude d’une
institutrice.
Il est difficile de faire parler Jacqueline d’elle-même, car
elle croit sa vie trop modeste pour être racontée. Elle naît en Bretagne, où sa
mère s’était réfugiée pendant la guerre, alors que son père était prisonnier. La
famille habite ensuite Armentières. Elle se souvient d’avoir voulu être coiffeuse.
En 1961 elle se marie. Le couple ouvre une boucherie à Hartennes, puis s’installe
à Soissons en 1966. Son mari meurt en 1982, et Jacqueline est recrutée comme
vendeuse à Magany, devenu plus tard Monoprix. Depuis sa retraite en 2002, elle
s’occupe à plein temps de Christine.
Embourbée dans cette lutte avec le diabète, Jacqueline
n’a que des éloges pour les professionnels et associatifs qui les entourent,
même son ancien employeur. Elle voudrait les voir tous cités ici, quitte à lui
faire moins de place elle-même. Seule l’enseignante supposée à l’origine du
problème est critiquée, mais sans amertume.
Jacqueline est active dans l’association de diabétiques
et vient d’être élue au conseil, avec Christine. Elles vivent à deux, mais le
diabète est comme une troisième personne dans la maison, exigeante,
capricieuse, n’en faisant qu’à sa tête. Jacqueline et Christine ne se laissent
pas dominer, pourtant, gardent leur vitalité, le sourire, et parfois le fou
rire.
L’Union
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires seront vus avant d'être affichés.