06/12/2006

Elisabeth Verdavaine : rendre visibles, puis invisibles


L’ambiance réjouirait un cafetier. Les gens s’interpellent, rient, discutent, commandent leur café ou chocolat, ou bien s’asseyent tranquilles, comme dans un bar où l’on se sent en sécurité. Au milieu, sobre, soignée, circonspecte, Elisabeth Verdavaine préside pourtant l’attroupement. C’est le « Tiot café » du jeudi soir, au local d’Arts-Culture-Sports, une association pour les adultes handicapés mentaux, dont elle est présidente depuis deux ans.
      Née à Aix-en-Provence, de parents qui se déplacent beaucoup, un père mineur de fond venu du Nord, et une mère avignonnaise impulsive et extravagante – « mais c’est grâce à elle que j’aime lire » - Elisabeth suit de courtes études de chimie à Montpellier. Elle arrive à l’usine de la Rochette à Soissons à dix-huit ans comme technicienne chimiste. Une épreuve, ce départ si jeune ? « Non, la vie était belle ! » Elle y travaille encore aujourd’hui.
      Elle se marie et, six ans plus tard, le couple a un fils, Sylvain. Après quelques mois une nourrice constate une absence de développement. Des examens plus approfondis révèlent un handicap mental, une épilepsie.
      Le père de Sylvain tient à le maintenir dans le cursus classique. Il reste en CP jusqu’à la fin du primaire. Au collège de Presles il est confronté à des attitudes contrastées. Il assiste tranquillement au cours de français, mais son professeur de mathématiques lui donne des lignes interminables parce qu’il ne peut pas copier la consigne sur le tableau, et ne rapporte pas ses devoirs. « Il est ici : il doit être traité comme les autres. » Refuser de voir la différence est une forme d’exclusion autant que de ne voir qu’elle. « Si je vois sa voiture j’en crève tous les pneus » rage Sylvain, impuissant.
      Les divergences entre ses parents à son égard s’aiguisent « Le ménage s’est défait. » Elisabeth se tourne vers les groupes de soutien pour familles d’handicapés, dont les Papillons blancs. Sylvain suit une formation, et est maintenant menuisier dans un centre d’aide au travail.
En 1990, elle se remarie avec Michel, devenu depuis militant contre l’exclusion, et aujourd’hui secrétaire de l’ACS. « Je suis timide, nouée quand je dois prendre la parole, mais je n’ai pas le choix. »
      Elisabeth converse posément, aimablement, sans s’épancher sur les difficultés de la vie, sans doute pour avoir appris depuis longtemps à gérer le malheur au lieu de le subir.
      Les enfants handicapés sont souvent touchants ; les adultes désavantagés gênent plutôt. L’ACS entend favoriser leur intégration dans la société, en proposant toutes sortes d’activités, de la pétanque au théâtre. Elisabeth Verdavaine et les autres parents cherchent à les rendre ainsi plus visibles, en souhaitant qu’un jour leurs handicaps deviennent invisibles.
ACS  Tél. 06 83 02 35 
L’Union

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