Le premier frisson de la soirée, c’est de
voir la salle du Mail remplie, phénomène rare cette saison, et qui crée une
ambiance d’anticipation pour « La vie devant soi » d’Emile
Ajar/Romain Gary.
L’attente n’est pas déçue. Il suffit que
Myriam Boyer entre en scène, ployée sous le poids de son corps, mais aussi des
coups lourds de sa vie, s’arrête, retire ses gants l’un après l’autre avec les
dents, pour montrer que nous sommes entre de bonnes mains. La comédienne traverse
la ligne de démarcation entre la performance talentueuse d’acteur et le jeu
éclairé par une conviction intérieure.
La vieille Juive Madame Rosa, ancienne
prostituée qui s’occupe des gamins de celles qui sont encore en activité, se
trouve seule avec son dernier protégé, Mohamed. Plutôt que de regarder, la
salle assiste à la dégradation du corps et de l’esprit de Rosa. Elle meurt dans
la terreur retrouvée de la rafle qui l’avait menée à Auschwitz. Momo veille son
corps qui s’avarie.
Les quatre acteurs détendus après l'épreuve. |
Après le spectacle, Aymen Saïdi, qui
réussit la prouesse de jouer un enfant avec son corps d’adulte, explose encore
d’énergie. Connu au cinéma, il joue ici son premier rôle au théâtre. La
différence ? « Au cinéma, vous pouvez tricher. Au théâtre… »
Il claque les doigts. On dirait Momo. Myriam Boyer reconnaît que « c’est
énorme », cette tournée de neuf mois entrepris depuis janvier. L’attitude
du public soissonnais l’intrigue. « Très sage. Un grand silence. »
Effectivement, peu de rires dans la salle bondée. Le message derrière les mots
aurait-il porté à ce point ? A notre époque et surtout à quelques semaines
de Gaza, quelle gifle à l’actualité que de voir une Juive protéger si
tendrement un Arabe, et d’entendre un Arabe dire avec autant de tendresse le mot
« Israël ».
L’Union
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