Devant une salle que sa jeunesse rend déjà frénétique, le spectacle commence par montrer les mouvements de la danse hip-hop. Les gestes saccadés qui semblent décomposer le corps, la prise constante de risque de chute et, surtout, le contact intime et prolongé avec le sol. Seulement, au lieu d’un cercle de jeunes dans une rue, un seul danseur exécute lentement les mouvements. Torse nue, il porte une longue jupe orange, et danse sur la musique grave du « Stabat mater » de Vivaldi. Le message est clair : la fonction d’une œuvre d’art, peinte, écrite, chantée ou dansée, est de ne pas être là où on l’attend. Le silence gagne la salle. « Urban ballet » a réussi son entrée en matière.
Le chorégraphe Antony Egéa a voulu fusionner la folle vigueur de la
danse des rues avec la rigueur professionnelle. « J’ai sélectionné ces
danseurs d’abord pour leur niveau en danse hip-hop » il explique après
le spectacle « et ils ont reçu deux ans de formation intensive en danse
classique. »
Le résultat éblouit. Parce que le hip-hop serait spontané et
individualiste, les complexes mouvements coordonnés du groupe posent même la
question naïve « Comment font-ils pour se souvenir de tout
cela ? ».
Dans le ballet classique, rien ne semble retenir le corps au sol :
l’air est son élément. Dans le hip-hop, au contraire, le corps est comme
amoureux du sol, qu’il ne quitte que pour y revenir plus fidèle.
Egéa fait interagir les corps, mais maintient chaque danseur dans sa
bulle : comme pour Balanchine, la danse ne traduit pas l’émotion, elle est
l’émotion.
L’Union
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