07/11/2009

Francis Diot : la vie d'une cité

« Après avoir travaillé pendant plus de quarante ans avec les mêmes gens, j’ai pris ma retraite, et du jour au lendemain j’ai vu que ce n’étaient que des relations de travail. » C’est à ce moment, désemparé, que Francis Diot apprend une initiative d’un ancien camarade d’école. Jean-Paul Belaïd lance un appel sur le site « Les copains d’abord » aux classes 1958-59 de l’école du Tour de Ville à Soissons. La réponse est impressionnante. Une réunion a lieu en septembre 2008. Arrivés de partout les enfants, devenus adultes, se retrouvent après un demi-siècle. Francis est l’un d’eux.
Francis Diot joue l'accordéon de son père.
D’où vient la force de ce lien-là ? « Les enfants sont insouciants » selon Francis, et le souvenir de cette insouciance, derrière le masque adulte, rend de telles retrouvailles faciles. Il y a un air de cour de récréation.
Ils partagent une autre partie du passé. Beaucoup des participants ont grandi dans la cité du Bois des Sapins, montée d’urgence après la destruction de la ville en 14-18. L’urgence s’étant éternisée, les derniers baraquements n’ont été démontés que lors de la construction de logements sociaux dans les années 70.
De sinistres alignements de baraques ? Pas du tout : Jean-Paul Belaïd rappelle « les petites maisons, les poulaillers, les jardins, les terrains de jeux et les étangs ». Mais aucun confort : des points d’eau aux coins de rue, une cuisinière pour seul chauffage, pas d’électricité, sauf quand certains l’installent, comme le père de Francis, égoutier à la Ville, pour ses huit enfants.
La solidarité est puissante : « Nous ne fermions jamais la porte à clef. ». Sa femme Nicole, enfant unique d’une famille plus aisée, en est à lui envier ce passé d’enfant de la cité.
Les gens ont aussi envie de s’en sortir, et du travail il y en a à l’époque. Francis est recruté aux cartonneries de Villeneuve, et finit cadre.
Comme son père, il joue de l’accordéon. « A dix ans je jouais dans les épiceries. Quelqu’un passait une casquette. » Il anime encore des réunions, cherchant moins à époustoufler par sa technique qu’à accompagner en musique la convivialité.
En l’absence d’archives, « comme si la ville en avait honte », il entreprend l’écriture d’un livre de témoignages. Pour Francis, il parle de « la vie des cités » où qu’elle se soit menée. C’est aussi un voyage en lui-même, vers ses racines. Il a commencé une suite. A travers l’Amicale, le Bois des Sapins reste ainsi vivant.
L’Union

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