Le seul sursaut d’inquiétude, c’est quand Kingphone le
passeur enfourne mon passeport dans sa poche. Etranger, je dois être muni toujours
de mes papiers. Il dégouline de fausse fraternité : « Les autres
garantissent le départ ; moi je garantis l’arrivée. » Son costume
luit comme un poisson et ses bijoux sont tous jaunes vieil-or.
Les autres clandestins sont surtout des lycéens de
Nerval faisant un travail sur l’immigration – et se protégeant par une hilarité
collective.
Kingphone nous fait courir, nous accroupir. Il bascule
de la jovialité à l’agressivité. Nous traversons une petite maison, descendons
vers un garage dans les recoins de l’ancienne caserne des pompiers. La porte se
lève, nous cavalons jusqu’à un camion-conteneur. Les portes fermées, nous
sommes dans le noir, rejoints par deux autres clandestins, exaltés, violents.
Les sons dehors font croire que nous sommes arrivés à bon port, mais des
policiers font irruption, nous mettent les mains contre les murs puis, sans
explication, nous relâchent.
Kingphone (Frank Baruk) me rend
enfin mon passeport.
Cette mise en scène abolit la distance classique entre
comédiens et public, sans que j’oublie un instant qu’il s’agit d’un jeu. La
peur, l’humiliation ? Il faut plus que cela. Mais elle fait ressurgir le souvenir
de moments où j’ai été en danger, ou déconsidéré, ou bousculé. J’ai déjà couru
pour gagner une passerelle qui se levait, et m’imagine maintenant mieux qu’une telle
course puisse faire la différence entre une vie de misère et une vie de rêve.
C’est le mérite de « Ticket » d’éveiller cette imagination.
L’Union
Kingphone (Frank Baruk) me rend
enfin mon passeport.
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