Face à l’art abstrait, l’œil a une furtive tendance à chercher
à quoi cela ressemble. Un visage-ci, un arbre-là ? Or c’est précisément la
réaction que cherche à susciter Ghislaine Vappereau : « Par quoi reconnaît-on une table ? Quand je la démonte, à
quel moment ne l’est-elle plus ? ».
Le musée de Soissons lui consacre une
exposition au terme de sa résidence au lycée Léonard de Vinci. Elle a pu y explorer
des techniques industrielles, faisant traduire ses maquettes en aluminium fondu
ou tôle découpée et pliée, par des élèves qui apprenaient à apprécier des
objets éveillant leur sens esthétique. Quatre de ces œuvres sont exposées avec
d’autres plus anciennes.
Pour Ghislaine Vappereau, la sculpture
crée une profondeur, révélée par l’ombre qu’elle jette, et qui « joue le rôle de la conscience de
l’objet. » Sa vision est illustrée par un délicieux petit spectacle
animé. Deux bouts de tissu plutôt raides accompagnent, comme ils peuvent, comme
ils veulent, deux autres plus soyeux. Il illustre la thèse selon laquelle la
conscience fait suite au regard, reconnaît et nomme l’objet, mais le rigidifie
inévitablement. Le cerveau veut réduire l’objet à ce que nous savons déjà.
L’artiste jette le trouble dans ce
processus bien rôdé. Ses formes en tissu, métal, bois, céramique sont souvent « animalesques ».
Ou « chaise-esques » ? Cou et jambes, ou dossier et pieds ?
La jouissance du spectateur se trouve dans cette fluidité, que le cerveau
cherche aussitôt à circonscrire et à définir.
A quoi cela ressemble ? L’art de
Ghislaine Vappereau, en prolongeant les négociations entre regard et
compréhension, est de faire durer l’incertitude.
L’Union
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires seront vus avant d'être affichés.