Le Centre hospitalier de Soissons participe
à un projet pilote pour opérer les hernies en ambulatoire. J’y ai pris part.
Nous arrivons alors qu’il ne fait pas encore jour. La consigne était
claire : « 7h30 si vous êtes
rasé, sinon 7 heures ». C’est le corps qui comptera le plus
aujourd’hui.
Le rasage concerne la zone où l’incision sera faite. Je viens rasé,
attends avec ma femme pour être admis, non pas dans une chambre mais à un
« box » - qui a tout d’une chambre d’hôpital. Les infirmières se
succèdent, vérifient tout, prennent la tension, la température (dans une
oreille !). Une étudiante me rase, pour élargir le mouchoir de poche que
j’avais dégagé. Amènes, précises, fermes (« Vous
ne sortirez plus du lit à partir de maintenant »). Toujours un échange :
je ne suis pas qu’une hernie inguinale.
Autant qu’un état, « être patient » est un bon conseil. Ici,
la capacité à entretenir une relation indolente avec le temps qui passe est un
bon tranquillisant. L’appréhension ? Moins que je ne pensais, comme si une
bonne partie de ma conscience devenait simple spectatrice de ce qui m’arrive.
La poignée de calmants avalés prend effet. Je reste alerte, mais tout
souci pour la suite des événements s’estompe.
« Votre date de naissance ? Vous êtes ici pour… ? » :
deux questions se répètent. Ils devraient pourtant savoir, à ce stade ! Cela
doit être pour jauger mon degré de conscience.
Mon lit est tiré dans les couloirs. Je suis soulevé et déposé sous une
lampe, trop énorme pour que je sois ailleurs que dans le bloc opératoire. Il
fait froid. «Pour éviter les
infections. » La voix de femme doit être celle du chirurgien. Un drap
vert, comme un rideau au théâtre, me cache la scène. Je refuse l’offre de
basculer un miroir pour que je voie l’opération comme à la télé – l’engagement
journalistique a ses limites !
Elsa Malvy, la dernière infirmière de ma journée. |
Je suis entouré de masques. L’un deux dit « J’ai été à l’école avec votre fils. » Je réponds, mais parfois
un mot se déforme. La voix de l’anesthésiste est derrière moi. Une piqûre dans
le dos, mes jambes chauffent, je sens des mains les frotter. « Vous faites vos
préparatifs ? » je demande. « J’ai
presque terminé d’opérer » vient la réponse. Je me rends compte de la
réalité de tant de personnes s’affairant, par leur métier, à me guérir de mon
mal.
Je suis ramené à mon box, chez moi. Des yaourts. Une soignante contrôle
le lent réveil de mes pieds, mes jambes. Ma femme est là.
Le chirurgien passe, m’ordonne de ne rien lever de « plus lourd qu’une bouteille de champagne » et autorise
ma sortie. Ma femme signe la décharge. En ambulatoire, il faut être accompagné.
Nous sortons. Il fait déjà nuit dehors.
L’Union
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