La tente igloo est basse mais spacieuse. Les accessoires de cuisine
sont sommaires, mais rien ne manque. Il y a même un abri pliant de pêcheur en
cas de mauvais temps. Cartes, appareil photo et le reste. Des vêtements sèchent
sur la clôture.
Difficile à
croire, mais tout cela est chargé chaque matin sur un seul vélo. Patrick Auger
n’en fait pas grand cas. Devoir pousser les pédales pour gagner chaque mètre,
alors que les voitures les doublent avec une insolente aisance, apprend aux
cyclistes que seule la ténacité compte, rendant toute vantardise hors sujet.
Son vélo-âne, au moins, serait-à la pointe coûteuse de la technologie ? « Non, c’est un modèle à moins de 300
euros. » On n’arrivera pas à lui faire s’emballer pour quoi que ce
soit, même pas les distances parcourues.
Patrick rentre d’un périple de trois semaines, qui auraient été quatre
sans le mauvais temps. Il fait une centaine de kilomètres par jour. En partant
tôt le matin, il finit son étape en début d’après-midi, et a le temps de
visiter - après notre rencontre ce sera le tour de Soissons. Demain sa ration
de kilomètres sera plus grande, pour rentrer chez lui à Froissy, entre Amiens
et Beauvais. Le camping de Soissons lui plaît, autant le bon accueil que le
prix modique.
Cette année il est allé jusqu’aux Vosges, montant même en haut du Col
de la Schlucht à 1139m. « Mais il
faisait trop froid ! »
Patrick a commencé à travailler à quatorze ans, et a pu donc terminer
sa carrière en responsable chez Nestlé avant d’atteindre la soixantaine. Sa
retraite est active et sportive, il donne un coup de main aux « Restos du
cœur » et s’entraîne dès le printemps pour ses longues randonnées en
solitaire. « Des fois la solitude me
pèse, mais pas beaucoup. Je discute avec les gens, et puis c’est tellement beau
de voyager en vélo : on voit tout ! » La sécurité sur les
artères ? « Il faut avoir
l’oreille, distinguer un poids lourd qui arrive derrière. »
Il avait déjà fait la Bretagne, le Midi, en allant chez ses enfants,
mais il n’a pas de famille dans l’Est. Pendant l’année il vit en famille, a des
amis. Mais le besoin se fait sentir chaque année de partir en solitaire sur les
routes de France. A l’entendre parler avec franchise et discrétion, je pense
que le but de ces longues randonnées est de se rencontrer lui-même, en
profondeur.
L'Union
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