08/08/2011

La solitude du randonneur de fond

La tente igloo est basse mais spacieuse. Les accessoires de cuisine sont sommaires, mais rien ne manque. Il y a même un abri pliant de pêcheur en cas de mauvais temps. Cartes, appareil photo et le reste. Des vêtements sèchent sur la clôture.
    Difficile à croire, mais tout cela est chargé chaque matin sur un seul vélo. Patrick Auger n’en fait pas grand cas. Devoir pousser les pédales pour gagner chaque mètre, alors que les voitures les doublent avec une insolente aisance, apprend aux cyclistes que seule la ténacité compte, rendant toute vantardise hors sujet. Son vélo-âne, au moins, serait-à la pointe coûteuse de la technologie ? « Non, c’est un modèle à moins de 300 euros. » On n’arrivera pas à lui faire s’emballer pour quoi que ce soit, même pas les distances parcourues.
Patrick rentre d’un périple de trois semaines, qui auraient été quatre sans le mauvais temps. Il fait une centaine de kilomètres par jour. En partant tôt le matin, il finit son étape en début d’après-midi, et a le temps de visiter - après notre rencontre ce sera le tour de Soissons. Demain sa ration de kilomètres sera plus grande, pour rentrer chez lui à Froissy, entre Amiens et Beauvais. Le camping de Soissons lui plaît, autant le bon accueil que le prix modique.
Cette année il est allé jusqu’aux Vosges, montant même en haut du Col de la Schlucht à 1139m. « Mais il faisait trop froid ! »
Patrick a commencé à travailler à quatorze ans, et a pu donc terminer sa carrière en responsable chez Nestlé avant d’atteindre la soixantaine. Sa retraite est active et sportive, il donne un coup de main aux « Restos du cœur » et s’entraîne dès le printemps pour ses longues randonnées en solitaire. « Des fois la solitude me pèse, mais pas beaucoup. Je discute avec les gens, et puis c’est tellement beau de voyager en vélo : on voit tout ! » La sécurité sur les artères ? « Il faut avoir l’oreille, distinguer un poids lourd qui arrive derrière. »
Il avait déjà fait la Bretagne, le Midi, en allant chez ses enfants, mais il n’a pas de famille dans l’Est. Pendant l’année il vit en famille, a des amis. Mais le besoin se fait sentir chaque année de partir en solitaire sur les routes de France. A l’entendre parler avec franchise et discrétion, je pense que le but de ces longues randonnées est de se rencontrer lui-même, en profondeur.
L'Union

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