L’« Ygraine » - du nom de la mère du roi Arthur- a attiré mon
attention par le grand mât arrimé à l’horizontale sur la superstructure. Un filet
de câbles le retient, comme pour l’empêcher de se dresser soudain en attente de
voilure. « Quinze mètres de
haut » précise George. Capable d’aborder les océans, il s’adapte ainsi
à la navigation intérieure. Seul l’arrondi de la coque complique ses passages
dans les écluses.
George a tout d’un vieux loup de mer, la carrure, l’allure, même le
caractère de celui qui en a vu des choses de par le monde. Pourtant, il est
clair : « Je ne suis pas un
vrai navigateur à voile. Un vrai n’utiliserait jamais le moteur, alors que
nous, face à un calme plat…. »
Ils sont à quai depuis quinze jours, en partie parce qu’ils attendent
une cale sèche près de leur village de Melton dans l’est de l’Angleterre. Ann
Bee avait gardé un bon souvenir d’un passage précédent ici. Ils apprécient
l’escale de Soissons, de petites choses telles le wi-fi gratuit à l’office de
tourisme. Le français ? Selon George, Ann le parle mieux dans la cabine du
bateau qu’à terre.
Depuis trois ans ils voyagent l’été, puis rentrent chez eux en laissant
le voilier à Nevers. Ann admet préférer la navigation intérieure, alors que George
aime voguer en mer. Avant les canaux, ils avaient donc fait deux trajets par le
rail d’Ouessant et le golfe de Gascogne, jusqu’à la Méditerranée.
Avant la retraite, George avait conduit des engins de terrassement, et Ann
avait été infirmière d’abord dans un hôpital psychiatrique, puis avec un
vétérinaire. « Ah, j’ai aimé soigner
les animaux ! » Par bonheur, George avait appris à naviguer à son
école, sur un baleinier. « A douze
ans, j’ai même dit à mon père qu’un jour je ferais le tour du monde. »
Peut-être parce qu’ils ne restent nulle part, les navigateurs aiment se
rencontrer entre eux. George et Ann me donnent des nouvelles d’autres navigateurs
qui ont été en leur temps « visiteurs de l’été » dans l’Union.
Ils aiment la France, y trouvant une qualité de vie perdue ailleurs. « Venir ici c’est comme retourner
trente ans en arrière » disent-ils avec délice.
L’Union
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