De nos jours on monte dans un
Airbus 300 comme si c’était un train. Mais le Robin DR400 que deux bénévoles
des Ailes soissonnaises viennent de sortir du hangar en le tirant, pourra-t-il
vraiment quitter le sol, surtout avec moi à bord ?
J’ai beau vouloir, après
avoir vécu longtemps dans le Soissonnais, le voir d’en haut, et m’être porté volontaire
pour ce reportage ; et j’ai beau me savoir plus en sécurité dans cet avion
que dans une voiture, j’avais néanmoins bien embrassé ma femme en quittant la
maison. J’ai comme de l’appréhension dans le ventre.
Soissons d’en haut, le lycée Nerval juste au-dessus de l’aile de l’avion. |
Nous volerons à quatre, le
pilote Jean-Paul Rendu et trois passagers. Il paraît aussi détendu que s’il
nous prenait sur le porte-bagages de son vélo, mais sous l’affabilité il fait
tout pour assurer la sécurité du vol, et pour nous rassurer. Dans nos casques radio
nous l’entendons dire tous les contrôles qu’il exécute avant de nous centrer
sur la piste d’envol (de l’herbe, pas un mètre carré de bitume). « Nous décollerons à 100km/h, en
roulant à cette vitesse moins celle du vent en face. » Et volerons à
environ 2000 pieds/600m, mesurés à partir, non pas du terrain, mais de la mer,
500 mètres plus bas. Je n’y avais pas pensé.
L’avion avance, accélère. Si
je voulais changer d’avis ? Il décolle, et dans les cinq secondes je me
rends compte que mon appréhension ne venait pas d’un risque pour ma personne,
mais de ce soudain passage magique dans une autre dimension. Tous les moyens
habituels de locomotion, voiture, vélo, marche, sont en deux dimensions, et me
voilà en train de jaillir dans une troisième. Je vole.
Jean-Paul Rendu aux commandes du Robin DR400. |
Le premier éblouissement est
suivi d’un autre : la microscopique camionnette rouge de mon ami
Jean-Pierre est garée devant sa maison de Chaudun. Nous
prenons la direction de La Ferté Milon.
Jean-Paul paraît piloter avec
nonchalance, mais en fait il a un strict plan de vol à suivre. En dessous, le
paysage est étonnamment campagnard : champs, forêts et, ici et là, un établissement
humain, ferme, château, village, ville. Même Villers-Cotterêts n’est qu’une
tache dans la forêt de Retz. Entre les nuages qui nous frôlent et la terre,
nous survolons l’histoire de l’homme, notre patrimoine.
L’avion atterrit. J’ai le
sentiment injustifié d’avoir accompli un exploit et déjà, avant d’enlever mon
casque et descendre, la nostalgie de cette troisième dimension. Quitter la
planète Terre, même de quelques milliers de pieds, quel émerveillement pour un
humain, né sans ailes.
L'Union
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