Caresser
le museau des chevaux, regarder la maîtresse de maison ramasser les œufs dans
son tablier relevé, ou suivre le long ruban vert du sentier pédagogique, ces
à-côtés d’un séjour au gîte de « la Berque » à Nampteuil-sous-Muret
s’accordent généralement avec les occupations des groupes.
Mais le choix de ce lieu par Emanuel Hart pour animer un
séminaire sur l’eskrima, art martial venu des Philippines, crée un contraste
avec le cade campagnard. La méthode se caractérise par le maniement d’armes,
dagues et épées.
Emanuel est né aux Etats-Unis à une époque où le mouvement
hippie cherchait à secouer les rigidités sociales. Sa mère faisait partie de
« the Farm », une communauté qui voyageait dans des bus aménagés, se
spécialisant dans des techniques d’ « accouchement spirituel ». Le groupe
s’est installé ensuite dans le Tennessee, où ses sages-femmes proposent encore
leurs services.
Malgré les principes pacifistes, Emanuel aurait subi des
brutalités et, jeune noir dans cet état du Sud, il semblait être sur une
mauvaise pente. « A ce moment, j’ai
connu eskrima via mon frère, et me suis dit que c’était quelque chose pour
moi. » Cet engagement le met sur un tout autre chemin.
Emanuel a fait plusieurs voyages en France avec son
Maître, Mike Inay, dans les années 90. « A
sa mort, les gens se sont tournés vers moi En 2001, j’ai tout vendu en
Californie et j’ai acheté un aller simple pour Paris. » Il y devient
animateur de séminaires, et épouse Sophie, ,ée et qui a grandi à Paris. Leur
fils de trois mois, Marvin Anoki, couché sur la terrasse du gîte, assiste aux
combats.
Deux par deux, la vingtaine d’homme et deux femmes
répètent des séries de gestes de défense et d’attaque avec un bâton, jusqu’à
acquérir des réflexes. « L’eskrima donne un schéma pour l’autodéfense,
assure un choix dans la manière de répondre à une agression. La coordination
interne se crée, et vous arrivez même à comprendre les relations entre les
gens. »
Comment trouve-t-il le pays de Soissons ? « Je ne suis pas allé plus loin que ce
mur-là » admet-il, « sauf pour faire du tir à l’arc à Chacrise. Mais
j’ai grandi à la campagne et j’en garde une nostalgie. J’ai cherché ailleurs,
mais ici nous pouvons nous exercer sans être interrompus. »
La conversation a lieu en anglais, car Emanuel ne parle
pas français. Sa voix est disciplinée, ses mouvements lisses, reflétant la
maîtrise acquise par la pratique de l’eskrima et en se pliant à ses exigences.
Sophie lui sert d’intermédiaire pour les échanges avec le grouope.
Les affrontements que l’eskrima entend gérer sont
sensibles dans l’attitude et le regard des stagiaires. Emanuel reconnaît que la
volonté de gérer les conflits peut cacher un grût pour la bagarre. Il refuse
beaucoup de demandeurs.
« L’eskrima
peut permettre d’atteindre un autre niveau de conscience, plus élevé. » Emanuel aspire à cette ambition
« New age » en maniant une arme, sans nier que d’autres y arrivent
par leur propre chemin. La réussite d’Emanuel est d’intégrer sa quête d’absolu
dans la douce agitation de basse-cour qui l’entoure.
L’Union
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