Une soixantaine d’habitants
dans le hameau de la vallée de la Crise où elle passe des vacances chez des
parents de son mari, et entre huit et seize millions (chiffres officiel et
officieux) dans la ville de Dhaka au Bangladesh, où elle habite : ce qui
frappe Priti Das ici c’est qu’il y a bien moins de monde ! « Partout chez
nous il y a des gens, même le long des routes, poules, bétail, rickshaws… »
Priti
appartient à la minorité hindoue d’un pays à prédominance musulmane. Alors que
Dhaka, la capitale, est plutôt libérale, elle a grandi à Rangpur, dans le Nord,
où les différences communautaires sont plus marquées. Elle se dit consciente
d’une discrimination à plusieurs niveaux (aucun membre du gouvernement n’est
hindou).
Elle
apprécie le donjon de Septmonts, et s’est rendue deux fois à la Hottée du
Diable près de Coincy. « J’aime la forme intrigante des rochers. »
Se promener sur les sentiers du Soissonnais est toujours plaisant, et la
chaleur de ces derniers jours lui fait penser à une belle journée d’hiver au
Bangladesh.
Mais
les réalités font sauter les comparaisons faciles. Comment mettre côte à côte
le marché de Soissons du samedi matin et celui de Gulshan à Dhaka, énorme
accumulation de commerçants grands et petits ? « Il reste ouvert
tous les jours jusqu’à deux heures du matin, sauf pendant quelques heures le
vendredi après‑midi pour la prière. » Le ruban d’eau qu’est la Crise
est dépassé par le vaste fleuve du Jamuna, qui s’appelle le Brahmapoutre en
amont. Enfin, il est difficile d’assimiler un office à la cathédrale de
Soissons à l’action pieuse du père de Priti, qui chaque jour honore dans sa
maison les dieux Ganesh, Durga et autres, et dans son jardin le lingam de
Shiva, symbole de la puissance mâle de l’univers.
Cet
écart entre les cultures est difficile à assumer. Priti réagit au premier degré
à ses expériences ici, laissant à son mari Paul les explications, les nuances.
Par ailleurs, en épousant un néerlandais elle s’est obligée à vivre
quotidiennement les incompatibilités, comme le fait de mener la vie privilégiée
de femme d’ingénieur dans la marée de misère qui les entoure.
Ce mariage a généré des
aventures rocambolesques, d’abord pour quitter le Bangladesh et rejoindre son
futur mari en Inde. Par la complexité de la bureaucratie internationale, elle a
même réussi l’exploit de n’être pas présente à son propre mariage, au Nigeria.
Son départ a fragilisé la réputation de sa famille laissée au pays.
Priti Das vient dans le
Soissonnais presque tous les ans. Elle continuera à vivre l’expérience sans ce
penchant pour l’analyse qui paraît occidental. Alors qu’un européen s’attend à
ce que la société lui permette de vivre ses choix, Priti vient d’un pays où le
contexte complique plutôt le choix libre d’une vie.
L’Union
Sur la photo, Priti Das avec son mari et sa fille à la Hottée du Diable.
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