16/07/2005

Priti Das et l’écart des cultures

Une soixantaine d’habitants dans le hameau de la vallée de la Crise où elle passe des vacances chez des parents de son mari, et entre huit et seize millions (chiffres officiel et officieux) dans la ville de Dhaka au Bangladesh, où elle habite : ce qui frappe Priti Das ici c’est qu’il y a bien moins de monde ! « Partout chez nous il y a des gens, même le long des routes, poules, bétail, rickshaws… »
Priti appartient à la minorité hindoue d’un pays à prédominance musulmane. Alors que Dhaka, la capitale, est plutôt libérale, elle a grandi à Rangpur, dans le Nord, où les différences communautaires sont plus marquées. Elle se dit consciente d’une discrimination à plusieurs niveaux (aucun membre du gouvernement n’est hindou).
Elle apprécie le donjon de Septmonts, et s’est rendue deux fois à la Hottée du Diable près de Coincy. « J’aime la forme intrigante des rochers. » Se promener sur les sentiers du Soissonnais est toujours plaisant, et la chaleur de ces derniers jours lui fait penser à une belle journée d’hiver au Bangladesh.
Mais les réalités font sauter les comparaisons faciles. Comment mettre côte à côte le marché de Soissons du samedi matin et celui de Gulshan à Dhaka, énorme accumulation de commerçants grands et petits ? « Il reste ouvert tous les jours jusqu’à deux heures du matin, sauf pendant quelques heures le vendredi après‑midi pour la prière. » Le ruban d’eau qu’est la Crise est dépassé par le vaste fleuve du Jamuna, qui s’appelle le Brahmapoutre en amont. Enfin, il est difficile d’assimiler un office à la cathédrale de Soissons à l’action pieuse du père de Priti, qui chaque jour honore dans sa maison les dieux Ganesh, Durga et autres, et dans son jardin le lingam de Shiva, symbole de la puissance mâle de l’univers.
Cet écart entre les cultures est difficile à assumer. Priti réagit au premier degré à ses expériences ici, laissant à son mari Paul les explications, les nuances. Par ailleurs, en épousant un néerlandais elle s’est obligée à vivre quotidiennement les incompatibilités, comme le fait de mener la vie privilégiée de femme d’ingénieur dans la marée de misère qui les entoure.
Ce mariage a généré des aventures rocambolesques, d’abord pour quitter le Bangladesh et rejoindre son futur mari en Inde. Par la complexité de la bureaucratie internationale, elle a même réussi l’exploit de n’être pas présente à son propre mariage, au Nigeria. Son départ a fragilisé la réputation de sa famille laissée au pays.
Priti Das vient dans le Soissonnais presque tous les ans. Elle continuera à vivre l’expérience sans ce penchant pour l’analyse qui paraît occidental. Alors qu’un européen s’attend à ce que la société lui permette de vivre ses choix, Priti vient d’un pays où le contexte complique plutôt le choix libre d’une vie.
L’Union

Sur la photo, Priti Das avec son mari et sa fille à la Hottée du Diable.

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