06/02/2013

Le journal d’un fou : Un piège tendu

 Nicolas Pierson est le fonctionnaire
russe qui devient fou.
Les troupes amateurs tendent à choisir des pièces avec bon nombre de rôles, pour répartir l’appréhension de jouer en public, et parce que le théâtre amateur est autant une activité associative et sociable. C’était donc un défi pour la troupe du Grenier de monter « Le journal d’un fou » de Nicolaï Gogol. En une heure de monologue, un fonctionnaire russe passe de la petite aliénation du quotidien à la vaste folie furieuse.
    Mais plus qu’une simple exposition des progrès de la démence, la pièce est un piège tendu au public, et sa réussite sur scène se mesure par sa capacité à l’y faire tomber.
    Le fonctionnaire que joue Nicolas Pierson, épaules rentrées, coudes collés aux côtes, se montre tout de suite lassant, par les assommants ennuis qu’il raconte. Sans changement de ton, il évoque deux chiens rencontrés dans la rue, qui non seulement s’apostrophent mais entretiennent une correspondance écrite. Les spectateurs commencent à sourire, puis à rire de ses hallucinations, dont une extravagante prétention à être le roi d’Espagne. Qu’il est ridicule !
    Les « délégués » venus pour l’amener à son palais sont, on le comprend, des gardiens d’asile. Ce qu’il prend pour d’étranges rites d’intronisation sont en fait les brutalités usuelles d’un tel lieu. Il souffre, et soudain les rires s’avèrent être de faciles moqueries devant la détresse humaine.
    Nicolas Pierson et son metteur en scène Madeleine Deleu réussissent ce travail subversif. Il agace, puis fait rire, puis fait s’arrêter les rires. Son dernier cri adressé à sa mère est un reproche pour ceux qui s’amusaient de ses aberrations.
L'Union

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les commentaires seront vus avant d'être affichés.