Un doux bruit autour de la
maison de Marcel Salaün à Acy le Bas fait penser à une roue de moulin bien
graissée qui tourne sur son axe. Ses quatre-vingts pigeons roucoulent dans leur
colombier.
« Mon père, gendarme chargé du contrôle des colombiers, qui dépendaient,
encore jusqu'à récemment, de l'Armée, recevait parfois une paire de pigeons.
Tout petit j'aimais ça. Je lisais tout ce qui me tombait sous la main sur le
sujet. »
Ce père,
orphelin breton élevé par une tante près de Chartres, n’a guère fait d’école
avant de devenir charretier, dormant auprès de son attelage. Marié à la fille
d’un petit cultivateur, pour qui le départ de son aînée représentait la perte
d’une ouvrière, il rentre à l’armée, suit des cours du soir pour obtenir son Certificat d’études à vingt ans, devient
gendarme, et part dans l’Aisne.
« Je suis né à Chartres, j’ai commencé l’école
à Oulchy, puis après la guerre nous sommes partis en Allemagne occupée. C’était
la belle vie, avec une bonne, des logements splendides – dans l’un il y avait
même un piano. » De retour à Soissons, ses parents, mûs par une
vieille peur de la pauvreté, voulaient voir leur fils travailler au plus vite.
« J’ai mal tourné ; je suis
devenu instituteur. » Marcel était un pionnier des « méthodes actives » de l’après‑’68,
et son principe premier en éducation reste que l’élève soit content d’être en
classe. « Le reste suivra. »
Il devient
directeur d’école à Acy, et s’investit dans la vie du village, jusqu’à en être
le maire pendant vingt ans. Sa position politique se résume à agir en « honnête homme ».
Après un des
éclatements fréquents dans le milieu, il propose un local au « Pigeon Voyageur Acéen ». La « triche »,
les combines, sont une préoccupation constante, peut‑être parce que la
compétition dépend, non pas d’un ballon envoyé au‑dessus d’un filet, mais d’un
oiseau qui, et le mystère reste entier, trouve chaque fois le chemin du retour
chez lui.
Avec l’achat de
sa maison, la colombophilie prend enfin forme. D’abord « éleveur », à la retraite il devient
« sportif », et fait courir
ses pigeons. Il est ému chaque fois par le retour du pigeon après un voyage.
« Lâché à Perpignan à 6h, il rentre
à Acy à 18h. Ca tient du miracle. »
Il explique les
termes avec une précision pédagogique : jouer « au veuf » ou
« au naturel », motiver par
la « chasse à nid ». La
visite de son colombier est un cours. Les pigeons battent leurs ailes partout.
Panique ? « Non, plaisir, ils
savent que je vais les faire manger. »
Comment tenir un pigeon ? Dans le creux de la main, pattes vers
l’arrière, tenues entre deux doigts.
L’attachement
de Marcel à son lieu de vie est presque farouche : après tout, s’il trouve
la plupart des déplacements futiles, il a pu les déléguer à ses pigeons,
voyageurs à sa place.
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