24/11/2004

Maude et la vie de village

« Autrefois dans un village, les gens se connaissaient, se parlaient, se donnaient un coup de main au besoin. C’était une communauté, ce qui est rarement le cas aujourd’hui. Eh bien, j’ai retrouvé la même chaleur, les mêmes échanges dans notre association ».
Maude est membre de l’Aisne Gaie, point de repère et de ralliement pour les hommes et femmes à orientation homosexuelle. « Maude » est un nom d’emprunt. Elle n’accepte pas non plus de se laisser photographier. « Ma grand’mère, mon père, mon entourage sont au courant, mais je veux protéger mes enfants. A son fils de quatorze ans, qui lui pose la question : « Si les copains disent « Ta mère est une gouine ? », elle répond : « D’abord, pourquoi ils le sauraient ? Et si ça arrive, tu leur dis, « Et alors ? »
Après vingt ans de mariage et deux enfants, Maude quitte son foyer en 2003. « J’avais toujours été  amoureuse des femmes, mais sans jamais passer à l’acte. Si je suis partie, c’est que mon mariage était malheureux, c’est tout ». Vivant seule, désemparée, elle tombe sur une affichette de l’Aisne Gaie, avec un numéro de téléphone. « Je cherchais quelqu’un à qui en parler, mais j’ai trouvé le geste lourd à faire ».
L’association, qui à ses débuts entendait réunir les membres pour des fêtes et des sorties, s’est engagée depuis juin dans une autre voie. Elle tend la main aux personnes isolées, souvent dans les villages, parfois abattues – comme Maude. Grâce à une subvention, elle tient une permanence hebdomadaire à Chauny.
Quant au militantisme en faveur des homosexuels, l’Aisne Gaie prend un profil bas. Se proclamer gay, lesbienne, c’est placarder une partie de son intimité, au risque de faire oublier l’homme ou la femme derrière la pancarte. Le paradoxe est que la finalité de cette association, dont le fondement est la différence, est d’obtenir le « droit à l’indifférence », imaginé par l’écrivain Yves Navarre : que les préférences sexuelles ne soient qu’un détail parmi tant d’autres qui nous caractérisent.
Dans l’association, Maude est d’abord « consommateur », comme elle dit. Mais depuis quelque temps elle s’est engagée dans l’action, prenant son tour à la permanence, présente pour écouter les personnes qui peuvent appeler à l’aide.
Une réunion de l’Aisne Gaie a lieu chez Maude, près de Braine. Les membres discutent des modalités de la permanence, et préparent une action commune avec une association de lutte contre le Sida, avant de passer à table, pour un repas préparé par Maude et son amie : le social, puis le sociable, voilà les priorités.
Interrogée sur son attirance pour les femmes, raison première de son engagement associatif, Maude ne répond pas. Comment donner une raison pour un choix, si choix il y a, fait avant l’âge de raison ?

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