« Autrefois
dans un village, les gens se connaissaient, se parlaient, se donnaient un coup
de main au besoin. C’était une communauté, ce qui est rarement le cas
aujourd’hui. Eh bien, j’ai retrouvé la même chaleur, les mêmes échanges dans
notre association ».
Maude est membre de l’Aisne Gaie, point de repère et de
ralliement pour les hommes et femmes à orientation homosexuelle.
« Maude » est un nom d’emprunt. Elle n’accepte pas non plus de se
laisser photographier. « Ma grand’mère, mon père, mon entourage sont au
courant, mais je veux protéger mes enfants. A son fils de quatorze ans, qui
lui pose la question : « Si les copains disent « Ta mère est
une gouine ? », elle répond : « D’abord, pourquoi
ils le sauraient ? Et si ça arrive, tu leur dis, « Et alors ? »
Après vingt ans de mariage et deux enfants, Maude quitte
son foyer en 2003. « J’avais toujours été amoureuse des femmes, mais sans jamais passer
à l’acte. Si je suis partie, c’est que mon mariage était malheureux, c’est tout ».
Vivant seule, désemparée, elle tombe sur une affichette de l’Aisne Gaie, avec
un numéro de téléphone. « Je cherchais quelqu’un à qui en parler, mais
j’ai trouvé le geste lourd à faire ».
L’association, qui à ses débuts entendait réunir les
membres pour des fêtes et des sorties, s’est engagée depuis juin dans une autre
voie. Elle tend la main aux personnes isolées, souvent dans les villages,
parfois abattues – comme Maude. Grâce à une subvention, elle tient une
permanence hebdomadaire à Chauny.
Quant au militantisme en faveur des homosexuels, l’Aisne
Gaie prend un profil bas. Se proclamer gay, lesbienne, c’est placarder une
partie de son intimité, au risque de faire oublier l’homme ou la femme derrière
la pancarte. Le paradoxe est que la finalité de cette association, dont le
fondement est la différence, est d’obtenir le « droit à l’indifférence »,
imaginé par l’écrivain Yves Navarre : que les préférences sexuelles ne
soient qu’un détail parmi tant d’autres qui nous caractérisent.
Dans l’association, Maude est d’abord « consommateur »,
comme elle dit. Mais depuis quelque temps elle s’est engagée dans l’action,
prenant son tour à la permanence, présente pour écouter les personnes qui
peuvent appeler à l’aide.
Une réunion de l’Aisne Gaie a lieu chez Maude, près de
Braine. Les membres discutent des modalités de la permanence, et préparent une
action commune avec une association de lutte contre le Sida, avant de passer à
table, pour un repas préparé par Maude et son amie : le social, puis le
sociable, voilà les priorités.
Interrogée sur son attirance pour les femmes, raison première de son
engagement associatif, Maude ne répond pas. Comment donner une raison pour un
choix, si choix il y a, fait avant l’âge de raison ?
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